Histoires parallèles, chapitre quatre
L’un
fut eunuque et principal ministre de l’empereur Ming Zhengde,
l’autre maréchal et favori de la reine mère, les deux ont joui
d’une influence politique considérable au point d’éclipser
celle d’un jeune souverain. Les deux ont connu une fin tragique et
violente. Retour sur le parcours de ces deux hommes devenus en leur
temps l'incarnation de l’intriguant.
Liu
Jin a vécu de 1451-1510. Il fait partie de la caste des eunuques,
des hauts fonctionnaires de la cité impériale devenu sous les Ming
un véritable ETAT dans l’Etat, concurrent des mandarins voire des
empereurs eux-mêmes. Il était le chef des 8 tigres qui contrôlaient
la cité impériale et donc l’empereur. Leur pouvoir est tel qu’ils
ont la mainmise sur les finances, les nominations. Et pour peu que
l’empereur soit faible, ils peuvent administrer en son nom
l’immense empire. C’est ce qui se passe sous les règne de
Zhengde, jeune empereur qui succède à son père ne 1505, il n’a
que 14 ans. Le souverain est plus intéressé par le luxe (se
construit un nouveau palais), ses concubines, ses favoris et les
maisons de passe. Quand les ministres le sollicitent il refuse de les
recevoir. C’est une aubaine pour l’eunuque Liu Jin qui accroît
son pouvoir : il se fait appelé l’homme de 9 000 ans
(juste en dessous de l’empereur et ses 10 000 ans). Il lance
des réformes parfois modernes (remariage des veuves), amasse une
considérable fortune et élimine ou emprisonne ses opposants.
Pourtant ce n’est ni sa corruption ni son arbitraire qui provoquent
sa chute mais un projet ou une rumeur d’assassinat de l’empereur
pour le remplacer par son propre petit neveu. Il n’en faut pas plus
contre cet homme haï du peuple, de la cour et maintenant de
l’empereur Et quand des armes, des milliers de taels d’argent et
d’or (plusieurs tonnes d’après les sources, chiffres dont il
faut se méfier) sont trouvées dans ses maisons, l’empereur sorti
de sa léthargie ordonne son exécution en 1510 en choisissant
l’une des plus violentes peines: le lingchi, la mort par « mille
coupures », le dépeçage. D’après les chroniques la
sentence s’étala sur 2 jours et le malheureux fut entaillé 400
fois. Les morceaux de sa chair furent achetés par les spectateurs
pour une misère (1 qian, la plus petite monnaie) et il devint
l’incarnation de l’eunuque cupide et malhonnête dans
l’imaginaire collectif. Pourtant sa mort d’entraîna pas la fin
de l’influence des eunuques bien au contraire.
La
France connut un personnage dont la mémoire a conservé le souvenir
des malversations : Concino Concini. Né en Toscane d’un père
qui fut ambassadeur de la province, ce petit noble, aventurier né en
1575 se tourne vers la France et intègre le cercle de la reine Marie
de Médicis, régente du royaume pendant la minorité de Louis XIII.
Grâce à Leonora Galigaï son épouse et sœur de lait de Marie de
Médicis, il gagne en influence au désespoir d’Henri IV qui n’aime
pas cet ambitieux. La cour et les Grands nobles, fiers de leur
privilège et par réflexe xénophobe anti-italien nourrissent
également une profonde haine allant même en 1610 jusqu’à
l’agresser physiquement. Mais avec la mort d’Henri IV en 1610 et
la régence, Concini connaît son heure de gloire. Favori de la
reine, il devient marquis d’Ancre par achat de titres de noblesse, est nommé premier gentilhomme de la Chambre, surintendant de la
reine, gouverneur de Péronne, Roye et Montdidier avant d’obtenir
la dignité de maréchal de France. Il devient le premier personnage
de la cour, premiers ministre sans le titre dispensant disgrâce
(celle du chancelier Sillery) et promotion (celle d’un jeune
ministre nomme Richelieu). La haine à son encontre s’accentue :
rumeur de corruption, de liaison (fausse) avec la reine. Surtout
l’homme néglige le jeune roi Louis XIII dont l’oreille est
sensible aux multiples critiques des nobles et dont l’orgueil est bafoué
par cet intriguant qui s’est doté d’une armée de 7000
spadassins sans compter les centaines de fidèles. Le roi décide
donc de l’éliminer ; il attire Concini dans un guet-apens et
le fait tuer par le Baron de Vitry, chef des gardes du corps du roi
le 24/4/1617. Le jeune louis XIII se serait alors écrié :
« Grande merci à vous, à cette heure je suis roi ». Le
cadavre du maréchal d’Ancre fut exhumé par les parisiens hors de
sa tombe, traîné profané, lapidé, déchiré, pendu par les pieds
avant d’être brûlé. Sa femme, la Galigaï fut jugée et exécutée
pour sorcellerie. Leurs biens furent confisqués et attribués à
leurs adversaires, son fils de 14 ans emprisonné. Sa chute ne
signifia pas la fin de ces influents ministres, intrigants, parfois
corrompus, rouage essentiels de l’Etat moderne en gestations.
Liu
Jin et Concini illustrent l’itinéraire chaotique de l’empire
chinois et de la monarchie française où d’intrigants et
d’ambitieux ministres ont pu confisquer une parcelle du pouvoir.
Leur chute est symptomatique de la violence des luttes de clan et de
de leur principal erreur : avoir négligé la personne royale,
faute grave qui explique la violence de leur mort.
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