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assassination

La Corée face à son passé

Immense succès au box office coréen, Assassination sorti en 2015 montre la vigueur et l'ambition des blockbusters sud-coréens sur fond de fresque historique. Alors qu'au début des années 2000, la mode était au film centré sur la guerre de Corée et la division, depuis les années 2010, les cinéastes se focalisent sur la période coloniale où la péninsule était sous occupation japonaise. Un retournement artistique que l'on ne peut comprendre sans la montée des tensions mémorielles entre Corée et Japon notamment lors du mandat de la présidente Park. Alors grosse production nationaliste ou film d'action pertinent ?


L'intrigue se place en 1933. La Corée subit une occupation souvent violente de la part de l'empire du Japon. La répression est féroce de la part des occupants et de ceux qui collaborent. Les résistants se sont réfugiés à l'étranger, en Mandchourie et à Shanghai siège du gouvernement provisoire coréen. Celui-ci décide de la mise sur pied d'une mission d'assassinat à Séoul contre un haut officier nippon et un collaborateur Corée. Il confie à Yeom, héros de la résistance le soin de monter cette attaque suicide. Mais dans l'ombre des forces oeuvrent pour faire échouer l'entreprise. Un face à face mortel s'engage entre le commando, les forces japonaises et Hawaï Pistol un mystérieux tueur à gages.

La première qualité du film c'est la qualité de la reconstitution. Que ce soit le Shanghai de l'époque des concessions ou le Séoul, l'immersion est totale. Les décors sont somptueux, les détails nombreux (uniformes, voitures..) et le travail sur la bande son mérite une vraie attention  : musique d'époque, langues. On retrouve ainsi toute l'ambiance de la concession française, terre de complots où se côtoient gangsters, résistants, espions et policiers français qui gèrent tranquillement ce microcosme. Une ambiance incroyable de music hall alors que la tempête approche. Changement de décor pour Séoul où deux sociétés se font face : celle des Japonais et de leurs collaborateurs acceptant une acculturation forcée et celle du peuple coréen soumis. D'ailleurs cette soumission est mise ne accusation dans la seconde partie du film nous y reviendrons.

La seconde qualité du film c'est son scénario. Il y a trois films en un. Le film d'espionnage habilement monté, hommage assumé aux 12 salopards. Les assassins sont un escadron suicide, des repris de justice certains cupides, d'autres brisés par la vie qui vont trouver dans la cause de l'indépendance leur rédemption. Un film intimiste sur la famille centré sur le personnage de la tireuse d'élite. Un film enfin sur la collaboration et la soumission : entre les agents doubles, les traîtres, les suiveurs, il interroge la Corée sur son passé. Et ces trois intrigues se croisent ce qui donne au film un dynamisme forte. Pas d'ennui ; des rebondissements permanents. Et le plus fort c'est que la fin du film centré sur le débat mémoriel et la justice d'après guerre est presque plus intéressante que la partie action parce qu'elle pointe du doigt un des éléments troubles de l'histoire coréenne : le nombre de collaborateurs des japonais recyclés au sein des forces police.

La dernière qualité du film tient dans son montage. Si le film se passe essentiellement en 1933, des éléments remontées à 20 ans en avant et 16 en arrière. Les trois trames chronologiques se mélangent au début (un peu maladroitement il est vrai car révélant trop vite l'identité du traître) mais offrent de spectaculaires retournements de situation grâce et il faut le souligner grâce au personnage féminin, le plus intéressant de tous.

Et pourtant il manque un petit quelque chose pour propulser ce film au même rang que les Shiri ou frères de sang. D'abord si les acteurs font le job, l'écriture de leur personnage reste trop superficielle. Ainsi Hawaï Pistol et son acolyte sont très bons dans les scènes de comédie (le train !!) mais leur retournement psychologique est trop rapide voire absurde. De même pour les Japonais réduits à des brutes sans cervelle et incapable de tirer juste (on dirait qu'ils ont été formés par Ray Charles... on est loin du travail effectué dans le majestueux city of life and death). Produit pour faire plaisir au public, le film tombe dans les poncifs du genre. De même le côté super héros des assassins qui encaissent des dizaines de balles avant de mourir est too much. Heureusement tout ceci est compensé par le personnage de Yem, véritablement bien écrit et dont le destin vient contrebalancer l'aspect trop nationaliste d'une partie de l'intrigue.

Au final Assassination est un très bon film d'espionnage qui rate l'excellence à cause de la lourdeur du discours nationaliste. Heureusement la fin (le procès) montre que les scénaristes prennent du recul face aux polémiques mémorielles.

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