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Yi Sun Sin et Horatio Nelson

Les terreurs des mers
L'un est coréen, l'autre britannique. Ils ont en commun d'avoir été les plus grands amiraux de leur pays, adulés de leur marin, craints et respectés de leurs ennemis. Ils connurent la même fin et leur importance militaire fut considérable. Nouveau portait croisé de deux hommes dont on peut encore admirer les bustes au centre de Séoul et au centre de Londres.

Yi Sun Sin et  Horatio Nelson

Horatio Nelson issu de bonne famille, rattaché par sa mère à Lord Robert Walpole premier ministre du parlement du Royaume Uni, a débuté sa carrière naval de la plus humble des manières. Matelot à 13 ans, il gravit les échelons de la vie marine malgré un mal de mer chronique. Aspirant, il commence sa formation d'officier sur le triumph vaisseau des garde côtes. Très vite pour s'aguerrir il est envoyé sur des navires naviguant vers les Amériques et les Indes. C'est aux Indes qu'il connaît sa première expérience du combat. La guerre d'indépendance américaine va lui permettre de se distinguer : il est promu capitaine en 1779, il n'a que 20 ans. C'est avec le déclenchement des guerres révolutionnaires et napoléoniennes que le jeune capitaine va donner la mesure de ses talents. Il sert en Méditerranée, ravitaille Toulon, assiège et prend Calvi en Corse, remporte à Gênes une victoire face à la flotte française tentant d'envahir la Corse. Son duel face au Ca Ira est mémorable. C'est en l'Atlantique que son navire est ensuite appelé. A la bataille du Cap Saint Vincent, il désobéit aux ordres et engage la flotte espagnole : bilan deux navires espagnols pris. Son supérieur ne lui en tient pas rigueur et va même dans un courrier adressé au gouvernement britannique souligner que son impétueux subordonné a été pour beaucoup dans la chance de la journée. Même s'il échoue plus tard à capturer Santa Cruz de Tenerife (il y perdra l'usage de son bras droit) son étoile ne pâlit pas. C'est à nouveau en Méditerranée qu'il est envoyé et que sa légende va naître. Envoyé pour intercepter la flotte de Bonaparte en partance pour l'Egypte, il la rate. Mais le 1er août 1798 dans la rade d'Aboukir, il la retrouve et va par une audacieuse manoeuvre surprendre les Français pourtant supérieurs en nombre (17 vaisseaux contre 14). Comme à son habitude il engage le combat tout de suite (il est 16 heures) et organise sa flotte en deux colonnes : une défile face au français tandis que l'autre se glisse entre la côte et les navires français. Attaqués des deux côtés la flotte française est presque entièrement détruite. Les Français vainqueurs en Egypte se retrouvent prisonniers de leur conquête. En 1801 promu vice-amiral il mène une campane éclair dans la Baltique qui s'achève par la bataille de Copenhague, attaque surprise et la destruction de la flotte danoise alors que des négociations étaient en cours !! Couvert d'honneur (il est nommé vicomte), la fin de la courte paix d'Amiens le rappelle sur les mers en 1803, qu'il ne quittera plus qu'en 1805. Il bloque le port de Toulon avant de partir en chasse de la flotte de l'Amiral Villeneuve. Napoléon a en effet massé son armée à Boulogne et attend de sa marine qu'elle couvre son débarquement en Angleterre. Regroupée aux Caraïbes, la flotte de Villeneuve appareille pour l'Europe et se joint à la flotte espagnole à Cadix. C'est à Trafalgar que la course poursuite s'achève. 33 vaisseaux franco-espagnoles font face à 27 britanniques. Nelson une nouvelle fois contrevient avec les règles classiques. Au lieu d'adopter une formation en ligne, il dispose sa flotte en deux colonnes pour casser la ligne et entraîner une série de combats à courte distance, des duels où l'entraînement, le meilleur armement des navires anglais feront la différence. Si l'amiral français a perçu le danger, la mauvaise qualité de ces équipages empêchent ses contre-mesures de fonctionner : son avant-garde n'a pas le temps de revenir et la la mauvaise précision de ses artilleurs annulent sa supériorité en puissance de feu. 23 vaisseaux franco-espagnols sont pris ou détruits. Mais lors du duel entre son navire le Victory et le Redoutable, Nelson est touché par le tir d'un soldat français. Il meurt avant que la bataille ne s'achève.

Deux siècles avant, en Asie, un autre marin va par ses exploits mettre en échec les projets d'invasion d'une autre puissance. Yi Sun Sin n'est pas un marin de formation. Fonctionnaire banal, il commence sa carrière en poste dans les garnisons du Nord surveillant les activités nomades. A force de patience il monte en grade et est nommé amiral de la flotte basée au Sud. Il prend la tête d'une excellente flotte de guerre, innovante car équipée d'armes à feu et de canon. Ces innovations permettent à la Corée d'aligner deux excellents navires : les pan'ok-son, de gros navires pontés et surtout les kobuk-son, les bateaux-tortues, sorte de cuirassée avant l'heure, hérissés de 12 canon, ne possédant pas de pont mais une carapace de bois. Prévoyant il entraîne ses hommes à la navigation. Sage prévision car en 1592, le tout nouveau maître du japon, Hideyoshi décide l'invasion de la Corée. 150 000 hommes appuyés par 500 navires dépourvus d'artillerie mais couverts d'arquebusiers. Sur terre l'armée japonaise est inarrêtable : Séoul est prise le 12 juin, trois semaines après le débarquement japonais, les forces japonaises atteignent même le fleuve Yalou frontière avec la Chine. Sur mer en revanche, Yi Sun Sin réalise des prodiges : à Sancheon il tend une embuscade à 400 vaisseaux japonais qui sont  balayés par les bateaux tortues ; à Tangp'o il détruit 26 navires ennemis, capture leur amiral, le décapite et utilise sa tête pour orner son mât porte-drapeau ; il récidive à Hansan où avec 56 navires il détruit 59 des 73 vaisseaux japonais. A Pusan enfin, il traque et détruit une partie des 130 vaisseaux ennemis réfugiés dans la rade. Cette succession de victoire associée à l'arrivée des Chinois mettent fin à cette première invasion. Les Japonais se replient dans le Sud de la péninsule. Entre 1593-1597, une courte trêve s'instaure : l'amiral victorieux jalousé par les hommes de cour est emprisonné puis rétrogradé au rang de soldat. Mais en 1597, une seconde invasion se déclenche. Tout commence mal pour les Coréens puisque les Japonais battent la flotte coréenne et capture l'île de Hansan privant la Corée d'une importante base. Yi Sun Sin est rappelé en caatstrophe. Il ne dispose plus que de 3 navires tortues et 10 pan'ok-son. Pourtant avec ses maigres forces il affronte les 330 vaisseaux de la flotte japonaise dans la passe de Myong-Yang. Ce lieu connaît de forts courants qui varient fortement en fonction des marées. S'engageant dans le détroit, les navires japonais sont fortement ébranlés par la houle puis par le feu des coréens. Incapables de manoeuvrer ni de se déployer, jeter les uns contre les autres par la  marée, les navires sont foudroyés par l'artillerie coréenne. 31 navires furent détruit, 91 lourdement endommagés voire impossible à réparer. Cette victoire, véritable Salamine coréen permit aux coréens et aux Chinois de faire parvenir des renforts. Ultime dénouement le 19 novembre 1598, à No Ryang, la flotte combinée de 150 navires affrontent une dernière fois les Japonais forts de 500 navires dont une bonne partie de transports légers destinés à évacuer les forces quittant la Corée suite à l'abandon de l'invasion par Hideyoshi. Pour les Japonais le but est de forcer le blocus naval pour dégager la forteresse de Suncheon. A nouveau le combat a lieu dans une passe étroite où l'artillerie a raison des navires japonais rapides mais vulnérables. 300 sont détruits mais durant la poursuite Yi Sun Si est atteint d'un tir d'arquebuse et meurt.

Etonnantes similitudes entre ces deux hommes de mer, partis du bas de l'échelle, fin tacticien, innovateur, disposant d'une marine techniquement supérieure, qui réussirent à endiguer des invasions par  leur maîtrise des mers. A ce tire, la victoire d'Aboukir de Nelson ressemble à celle de Pusan. Destin jumeau jusque dans leur mort.

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