A redécouvrir

les sept samouraïs

La voie du maître


Ce qu'il y a de bien avec les remakes c'est qu'il donne souvent envie de revoir l'original. Ainsi en va-t-il avec les 7 mercenaires d'Antoine Fuqua sorti en 2016, remake horrible du très bon les 7 mercenaires de 1960, lui même adaptation du fantastique Les 7 samouraïs d'Akira Kurosawa réalisé en 1954. Alors que la version de 1960 réussissait l'exploit de capter une partie de l'atmosphère et de l'esprit du film d'origine (des desperados sauvés par une quête futile, un esprit chevaleresque rehaussé par un méchant exceptionnel), de profiter d'un casting 5 étoiles (Yul Brynner, Eli wallach, Steve Macqueen) pour développer chacun de ses personnages et donner de l'épaisseur aux paysans, le remake de 2016 s'effondre en voulant faire du copier/coller mâtiné d'humour raté, de personnages creux et non développés, le tout enveloppé dans un casting united color of benetton qui aurait été une bonne idée s'il avait été justifié. Un ratage complet même pas sauvé par les scènes de combat où à aucun instant on ne tremble pour les héros. Il était nécessaire de retourner aux sources.

Les 7 samouraïs nous conte la lutte entre un village de pauvres paysans japonais face à une hordes de brigands au XVIè siècle. Las d'être volés, violentés et tués, un groupe de villageois se rend dans la ville voisine pour engager des samouraïs. Même si les samouraïs errants ou sans maître se multiplient du fait des guerres incessantes, il est difficile à de simples paysans de convaincre de fiers guerriers de les aider contre trois repas chauds. Pourtant au fil de leur séjour ils vont recruter 7 samouraïs, sept guerriers au passé et au motivation troubles qui vont découvrir la réalité du monde paysan.

Dans le film d'origine ce qui frappe c'est l'excellente gestion du temps. Le film est pourtant long -plus de 3 heures- car Kurosawa développe l'intrigue, ses personnages. Ainsi non seulement les 7 samouraïs sont clairement identifiés et explicités mais les paysans ont aussi droit à un excellent traitement qui en fait autre chose que des victimes éplorées. Le film se compose dès lors en trois actes : le recrutement, l'entraînement et le combat final. Se découpage fonctionne très bien car l'histoire est dense, bien écrite. C'est un film où à la fois on prend le temps d'expliquer les choses sans toutefois se perdre dans des délires philosophiques. Ce qui est intéressant c'est l'absence de manichéisme. Les bandits sont mauvais mais certains sont d'anciens samouraïs affamés. Les paysans sont lâches, irrésolus, pleurnichards mais comme le dit le personnage incarné par Mifune s'ils le sont c'est à cause des samouraïs qui passent leur temps à les piller. Les 7 samouraïs sont pour 5 d'entre eux des guerriers qui ont connu l'horreur de la guerre. Pour les 2 autres, l'un est un jeune idéaliste de la guerre quant à l'autre il traîne un lourd passé.

Le film profite d'une réalisation vraiment belle magnifiée par le noir et blanc. Les samouraïs n'ont jamais été aussi nobles, jamais été aussi majestueux que sous la caméra de Kurosawa. Les scènes iconiques sont légion : le duel, le retour dans la brume... Kurosawa capte l'essence du mythe du samouraï en le déroulant à travers ses 7 personnages : le stratège, le duelliste, l'apprenti... La lumière joue aussi un rôle crucial dans la lente construction de ce drame qui finit par la défaite des samouraïs "car à la fin ce sont les paysans qui gagnent". Kurosawa alterne des passages extrêmement lumineux et joyeux (cascade, la forêt et les fleurs) et les moments plus sombres (le fort des brigands, le moulin et le nouveau né..). Et jamais il ne cherche à tricher avec les sentiments : aucune fausse note. Le drame sert l'intrigue, des personnages (les paysans notamment) vont voir leur histoire se révéler progressivement. Le tout entrecoupé de scènes d'humour attachantes, réussies et subtiles... On est loin de la volonté actuelle de la vanne à tout prix pour montrer que les héros sont cool. Ici les samouraïs n'ont pas besoins de jouer au faux cool, ils sont eux-mêmes, 7 hommes dont la vie oscille entre tragédie et comédie.

S'il faut apprécier les 7 samouraïs c'est aussi pour ses acteurs... C'est un casting monstrueux : Takashi Shimura, 50 ans de carrière avec les plus grands cinéastes nippons ; Daisuke Kato, un autre géant avec 150 films à son actif ; Seiji Miyaguchi qui sera récompensé pour son interprétation du samouraï solitaire ; sans oublier Toshiro Mifune dans un rôle qui va confirmer son statut de monument du 7è art. Il y a une vraie alchimie. Et n'oublions pas la musique : une des meilleures de la filmographie de Kurosawa dont l'influence a été grande. Il n'y a qu'à écouter le thème des tambours qui ouvre le film, qui a dû inspirer 30 ans plus tard Basil Poledouris pour Conan le Barbare.

Il n'y a rien à jeter dans Les 7 samouraïs. Un film mythique qui 60 ans après sa création demeure infiniment supérieur à tout ce qu'Hollywood tente de produire.

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