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The Next Generation Patlabor : Tokyo Wars

L'époque est aux adaptations live des univers Manga. Les grands succès papiers que furent Gantz, Assassination Classroom, Deathnote ou encore Twentieth centy boys ont eu droit à leur sortie sur grand écran pour un bilan artistique mitigé. Pourtant loin de se décourager, les producteurs se sont tournés vers les adaptations des anime. Pour le meilleur cela donne l'excellente surprise constituée par l'adaptation de la traversée du temps ou la superbe trilogie Kenshin pour le pire cela débouche sur l'innommable Dragon Ball Evolution. Si Hollywood a pour le moment abandonné ses projets concernant l'oeuvre phare d'Otomo Akira, en revanche un autre univers est au centre des intérêts, celui de Mamoru Oshii. Alors qu'en 2017 sortira l'attendu ou le redouté Ghost In the Shell sur les écrans du monde, l'année 2015 a vu le Japon produire la version télé et ciné de Patlabor, série culte d'Oshii encensée par les fans et la critique. Preuve de l'intelligence des studios, la réalisation du premier long métrage a été confié à Oshii lui même qui a déjà une bonne expérience du cinéma classique avec son étonnant Avalon. Est-ce suffisant pour relever cet immense défi artistique ?



Pour ce premier film clôturant les 12 épisodes de la série télé, les studios ont décidé de mettre la barre haute. Tokyo Wars nous entraîne dans un Japon futuriste qui a échappé de peu à un coup d'état. La police de la métropole s'est dotée d'une unité de robots géants, chef d'oeuvre technologique mais dont l'utilité est remise en doute. C'est alors qu'une explosion coupe en deux le pont de Yokohama, prélude à une déstabilisation en règle menée par un groupes de militaires renégats. Equipé d'un redoutable hélicoptère furtif, il sème le chaos dans la capitale tandis que les instances politiques s'enfoncent dans une guerre d'ego suicidaire. Le sort de la nation repose désormais entre les mains des pilotes de labors et d'une talentueuse agent de renseignement. Si l'histoire vous dit quelques choses, c'est normal car Tokyo Wars reprend une grande partie de l'intrigue de Patlabor 2, le chef d'oeuvre de Mamoru Oshii. Pari osé qui a suscité une immense attente tant l'original fait partie du panthéon de l'animation.



Première inquiétude après le visionnage, la durée : 1h 30 pour le film live quand l'original en faisait 1h 50. C'est court d'autant que tous les spectateurs ne sont ni des connaisseurs de la série de base, ni n'ont tous suivi l'adaptation récente à la télévision. Alors commet caser l'introduction et la présentation de tous les membres de l'équipe, l'intrigue dense, la réflexion politique et une course-poursuite haletante sur fond de crise internationale. En faisant des coupes drastiques : les personnages sont peu caractérisés (le méchant de l'histoire est carrément sacrifié et réduit à de la figuration... ça fait mal), l'intrigue diplomatique disparaît comme la quasi guerre civile urbaine. Plus grave par manque de budget il y a peu de robots dans la ville hormis les labors de la police très réussis il faut le reconnaître. Mais l'aspect anticipation manque et cela fait cruellement défaut.

Seconde inquiétude : le budget. Encore une fois les productions nippones ont du mal à s'aligner sur les standards américains voire chinois !!! Et pourtant le début du film laisse augurer du mieux avec le passage dans les ruines d'un pays dévasté par une guerre civile et où les troupes de l'ONU tentent de ramener un semblant d'ordre. La séquence est bien foutue, réaliste.. malheureusement le reste du film pêche. Les scènes sont propres, les effets numériques plus que corrects mais il manque de l'ampleur, du souffle. A de rares exceptions (l'attaque de la base par exemple), le film dispose d'un souffle épique qui sert son propos dramatique. Et c'est dommage parce que lorsque l'on se rappelle l'original (l'armée dans la rue, la guerre civile, l'attaque au gaz) on est déçu. Même la scène centrale, l'attaque du pont fait légère..

Troisième souci, la réalisation est assez déconcertante. Elle possède de magnifiques passages où l'on retrouve le style d'Oshii (la scène sous les ponts, l'hélicoptère dans la nuit..) où le film adapte intelligemment le matériau de base. Mais sans trop comprendre pourquoi, le film possède des scènes très mal foutues (dans le bar, l'arrestation des comploteurs) qui plombent l'ensemble. Tout se passe comme si deux réalisateurs avaient travaillé côte à côte. Et c'est d'autant plus frappant que ces changements de style s'accompagnent de changements de ton brutaux (du drame à la comédie) et pas très heureux. Il semble que le film possède un problème d'écriture : il n'ose pas emprunter le ton sérieux de son modèle et tente d'être tout public en introduisant des scènes comiques mal amenées et qui plus est centrées autour de personnages par assez caractérisés.

Et pourtant malgré ces défauts le film échappe au ratage complet par les quelques moments où le réalisateur s'abandonne vraiment à son propos : un thriller politique sur fond de réflexion sur la politique japonaise contemporaine. Et comme l'homme sait bien filmer cela donne de très bonnes scènes  qui vous laissent sur une impression de regrets. Ce Patlabor ne réussit pas à combler une attente immense. Le film résume une des faiblesses récurrentes des grosses productions nippones (à part le contre exemple fantastique Kenshin) : un manque d'ambition financière associée à un vrai problème d'écriture et de destination de l'oeuvre. Choisir Patlabor 2 comme inspiration de ce long métrage semble trop ambitieux. Déception donc qui sera peut être relativisée après le visionnage des épisodes de la série et l'arrivée d'une version sous-titrée anglaise bien meilleure.....


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