Fort du succès critique et commercial du premier volet
sortie en 1989, Bandai réitère sa confiance à Mamoru Oshii pour réaliser une
suite. Patlabor 2 se présente comme un cas d’école : comment réaliser une
suite sans décevoir un public conquis par le premier opus. A ce défi Oshii
répond avec cette audace qui caractérisera ces œuvres à venir. Il va à la fois
poursuivre le travail de déconstruction du premier volet et prendre à contre
pied le public en partant vers un autre style.
L'ennemi intérieur
Patlabor 2 se situe trois ans après les événements du
premier film. Les labors se sont encore davantage généralisés et équipent
désormais l’armée. En mission de maintien de la paix pour le compte de l’ONU en
Asie du Sud-Ets, une escouade de labors commandée par l’officier Tsuge se voit
privée de ses renforts et décimée dans
une embuscade. De rage l’officier Tsuge démissionne et menace de renverser son
gouvernement coupable de l’avoir abandonné. Poursuivi, harcelé, l’officier
disparaît.
Or quelques temps plus tard, un missile frappe le Yokohama Bay
bridge, coupant le pont en deux. C’est le début d’une escalade d’événements
terroristes amenant le gouvernement
japonais à proclamer la loi martiale dans un Tokyo en proie au chaos alors que police, armées et
troupes renégates s’affrontent sous le regard du voisin étatsunien. Les
capitaines Goto et Nagumo commandant les deux escadrons de labors (et ancienne
maîtresse de Tsuge pour Nagumo) se
lancent à la poursuite de celui qui semble tirer les ficelles, assistés par leur
fidèle ami l’officier Shinshi et d’un énigmatique agent de renseignement qui
semble très bien informé des projets des conspirateurs.
Un thriller politique
Ce film c’est d’abord l’art du contre pied. Pour cette suite
Oshii pousse en effet le concept du film de robots sans robots à son
maximum. Encore plus que dans le premier volet, les labors sont relégués au
second plan. Son film est avant tout un thriller politique haletant. L’action,
et il y en a, tient dans le suspense constant, dans la lente descente en enfer
d’un gouvernement en proie à ses propres démons. Les labors interviennent à la
fin dans un final magistral. Mais avant c’est par la peur que toute une ville
sombre dans la panique totale, avec une armée, une police cherchant à reprendre
le contrôle.
Le film nous offre des scènes saisissantes entre les colonnes de
chars traversant la ville, les troupes pointant leur canon sur la diète, les
soldats en armes patrouillant tandis que la police s’immisce dans le chaos
ambiant en tentant d’arrêter les prétendus comploteurs. Ces scènes rappellent
une actualité de l’époque (le coup d’état de Moscou en 1991) et ont
inspiré Hollywood en particulier le film
couvre-feu. Autre contre-pied, la narration qui pour ce second volet se
concentre autour des personnages des capitaines et du policiers. Les jeunes
héros du premier volet sont relégués au second plan. Parti pris qui élimine le
côté comique pour insister sur le sérieux.
Un récit universel magnifiquement mise en images
Car Patlabor 2 réussit le tour de force d’être un thriller
politique ambitieux et dense sur fond de robots géants. Oshii réussit son pari de réaliser un divertissement intelligent. Car derrière
l’intrigue digne des meilleurs films d’espionnage américains, il glisse toute un
réflexion sur la politique du Japon d'Après-Guerre, sur l’idée de paix, de
guerre, sur les liens avec le voisin
américain. Par l’introduction du personnage de l’espion, il nous conduit dans les arcarnes de la
politique japonaise où guerre des services, ambitions font rage tandis que le
pacifisme affiché du pays depuis 1945 est questionné. Son film s’inspire ainsi
d’un événement qui avait traumatisé le pays : l’atterrissage en 1976 d’unpilote russe au Japon qui aux commandes de son MIG ne fut pas détecté par les
radars japonais. Le film est aussi visionnaire annonçant les débats actuels sur
le pacifisme de l’île.
Et au niveau de la réalisation c’est encore une fois un sans
fautes. Non seulement le film est extrêmement beau (les plans aériens sur la
ville sont à tomber) mais il possède une incroyable poésie contemplative si
chère à OShii : le passage sur les ponts de Tokyo vus depuis une
embarcation est époustouflant, comme l’est la beauté de la ville sous la neige
alors que le couvre-feu tombe, belle métaphore de la fin des jours heureux. Et
comme Kenji Kawai est à la baguette, la bande son est extraordinaire.
Patlabor 2 est un pur chef d’œuvre, meilleur que le premier qui en était déjà un. J’irai même jusqu’à dire qu’il est supérieur à Ghost in the Shell tant son propos politique est visionnaire et audacieux. En tout cas c’est un film à découvrir en urgence. En attendant de voir ce que va donner son adaptation live intitulé Tokyo Wars et sortie en 2015 au Japon.
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