A redécouvrir

three de Johnnie To

Une petite musique


Après avoir quitté les paysages étroits de Hong Kong pour tenter l'aventure dans les grands espaces de la Chine du Nord pour situer son précédent Drug War, Johnnie To le maître du polar hong kongais depuis la rétrocession revient à ses premiers amours dans Three, un film policier minimaliste et talentueux.



L'intrigue se déroule intégralement dans un hôpital. Le docteur Tong interprétée par Vicki Zhao est une neurochirurgienne au bord du burn out qui vient de rater sa dernière opération suite à l'accumulation de fatigue. Louis Koo incarne l'inspecteur de police Chen qui traque une bande de malfaiteurs. Wallace chung campe Shun un jeune suspect qui vient de recevoir une balle dans la tête après avoir soit disant tenté d'agresser un des collègue de l'inspecteur Chen. Ce dernier conduit donc Shun dans le service du docteur Tong. Entre les trois personnages s'engage un triangle psychologique : le médecin voulant avant tout convaincre le blessé d'accepter une opération ; l'étrange Shun qui contre toute attente refuse toute opération malgré le fait que dans 6 heures il sera trop tard ; l'inspecteur qui ne verrait pas d'un mauvais œil le suspect mourir des suites de l'opération.

Le film par son propos reprend les thèmes si chers à Johnnie To. Une intrigue où le sens du devoir et les passions s'entrechoquent. Ainsi la chirurgienne est angoissée par ses erreurs médicales et son impossibilité de lâcher prise. Le policier est un bon inspecteur mais qui a la mauvaise habitude de pousser un peu loin ses interrogatoires. Et lorsqu'il croit tenir le chef de la bande il franchit la ligne jaune et fait naître un doute : est-il vraiment un bon flic ou un vrai ripou qui couvre/est couvert par ses hommes ?. A l'inverse le patient nous plonge dans le doute : est-il un innocent qui veut prouver son innocence en restant le plus longtemps possible conscient ou un chef de gangs qui joue la montre en attendant que ses acolytes viennent le libérer. Le film engage une vraie tensions psychologique : le serment d'Hippocrate se confronte à la dure réalité policière ; les droits humains affrontent le devoir de protéger. Johnnie To excelle dans les intrigues style huis clos (rappelons nous le fantastique Breaking news) où il multiplie les fausses pistes (l'air de la petit musique de nuit), les indices (les clés), les rebondissements et les scènes d'humour (la fuite du patient..). Pendant presque les 2/3 tiers il entretient le doute jusqu'à un final retentissant et un épilogue en forme de rédemption étonnant pour une film de Johnnie To.

Le film très intelligent dispose d'une réalisation formelle délicieuse. En effet Johnie To donne la pleine mesure de son talent dans la mise en scène du huis clos. Il crée de l'espace là où il en manque en utilisant de subtiles plans aériens, en filmant sous les lits, en jouant à la fois sur des scènes très courtes et des plans plus longs sur l'agitation hospitalière. Ainsi il glisse de subtiles détails qui se révèlent grandioses dans le dernier tiers du film. Celui-ci permet d'ailleurs à Johnnie To de finir son film par une référence osée. Car à la lecture du synopsis de ce polar hospitalier, les connaisseurs du cinéma de hong kong ne peuvent s'empêcher de penser au film de John Woo à toute épreuve et au gunfight épique dans l'hôpital. Johnnie To va nous offrir à son tour un plan séquence de dingue, en slow motion et effet digital (malheureusement perfectible) où la violence explose en une réaction en chaîne. Le gunfight est moins acrobatique que celui de Johnnie To mais il se veut plus brutal, plus réaliste. Sans égaler son modèle, Johnnie To signe une séquence bluffante tant par son audace (refaire du John Woo quand même) que par son arrivée imprévue et sa réalisation à la fois irréelle mais terriblement efficace. Et si vous ajoutez à cette maestria des acteurs au top, vous ne voyez pas passer ces 89 minutes de film.

Ainsi Three est un exercice de style parfaitement maîtrisé et étonnant. S'il n'égale pas les chef d'oeuvre que sont The Mission ou Breaking News, le film possède un charme et une audace qui le place bien au-dessus des polars habituels.


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