A redécouvrir

Opium, Vietnam et service secret

Aux confins du Laos, de la Birmanie, de la Thaïlande et du Vietnam s'étend une région montagneuse, difficile d'accès et qui depuis le début du XXè siècle est le centre mondiale de la production d'opium : le Triangle d'or.  Cette région joua un rôle singulier et encore méconnu lors des guerres d'Indochine.


L'opium agit comme un puissant psychotrope obtenu à partir du latex de pavot. Connue depuis l'époque mésopotamienne (le pavot est originaire de cette région), cette plante a été utilisée pour ses vertus antalgiques. C'est aux alentours de l'an mille qu'elle est introduite en Asie via l'Inde pour une consommation médicale mais aussi rituelle et toxicologique. L'opium se répand partout en Asie, surtout en Chine où l'empereur en interdit au XVIIIè siècle la consommation jusqu'à ce que les britanniques déclenchent les guerres de l'opium pour forcer l'empire du milieu à autoriser son commerce.

La région du triangle d'or devient un zone de production importante. Les mafias chinoises et japonaises en contrôlent le trafic. L'armée impériale japonaise inonde la Chine d'opium pour affaiblir l'ennemi nationaliste. Avec le début des guerre coloniales, le trafic va prendre une nouvelle dimension. Pour lutter contre les rebelles communistes, les services secrets français (SDECE) montent une opération secrète l'opération X. Au Nord du pays se trouvent de redoutables montagnards les Méos et les Thaïs qui ont accepté d'organiser des maquis anti-communistes. En échange les services secrets acceptent de transporter par avion leur production d'opium vers Saïgon. Une affaire qui s'avère intéressante car  tout en renforçant l'alliance avec ces redoutables guerriers, les services secrets français empêchent les communistes de contrôler ce juteux trafic (en 1948, le vietminh en gérait 80 % !!!) et peuvent même prélever une commission leur permettant de se financer. Ainsi les services française peuvent grassement payer leurs informateurs, corrompre des officiels et armer leurs maquis. En toute connaissance de cause l'Etat Major autorise l'opération jusqu'en janvier 1953 où presque par hasard l'affaire éclate au grand jour. Un fonctionnaire français tatillon s'intéresse de près à des caisses transportées et entreposées dans les hangars du GCMA groupement de commandos mixtes aéroportés, une unité de combat créée par l'armée et le SDECE. Si les caisses sont saisies (1 tonne de drogue), si l'on découvre qu'elles ont transité via un DC3 de l'armée et qu'une partie des caisses (500 kilos de drogue) a été livrée au gang du général Le Van Vien, une mafia dont le quartier général se situe dans une maison de jeu de Cholon, le quartier chinois de Saïgon, le général Salan (général en chef des troupes françaises) étouffe l'affaire. Un officier subalterne est remplacé, un peu plus de prudence est réclamée et les affaires repartent car l'alliance avec les montagnard est primordiale : elle permet de mener des opérations de guérilla sur les arrières des communistes. Cette affaire illustre une des facettes méconnues des guerres d'Indochine : la guerre secrète à coup de manipulation de fausses monnaie, argent sale.

Une fois les Français vaincus ce sont les Américains et la CIA qui réactivèrent la filière de l'opium. Les Méos furent à nouveau sollicités. La CIA les organisa en "armée secrète" et les incita à reprendre la culture de l'opium. Seulement la CIA modifia l'ampleur de l'opération. Profitant des avions de l'opération Air America, l'agence américaine put offrir un débouché international à la production est-asiatique entrant en "coopération" avec certains syndicats du crime déjà concernés par le trafic (la french connection, Meyer Lansky). Les fonds ainsi obtenus permirent à l'agence de financer des opérations extrêmement coûteuses tout en évitant le contrôle du sénat et de la chambre des représentants. Néanmoins la coût de cette opération se révéla désastreux : outre le développement de la toxicomanie chez les GI, elle renforça les mafias qui une fois la guerre du Vietnam continuèrent à inonder le marché occidental d'héroïne.

Méos et forces spéciales américaines

Commentaires