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histoire de fantômes chinois 1 critique

Chronique d’une trilogie culte : acte I




C’est une étrange bizarrerie que d’avoir attendu de chroniquer si tardivement ces monuments du cinéma de Hong Kong qui ont bercé mon adolescence et fascine encore à l’âge adulte. Réparons cette erreur pour clamer notre amour d’une trilogie magique qui continue d’enchanter presque 30 ans après sa création.

En 1987 sort les écrans histoire de fantômes chinois, film réalisé par Ching Siu Tung mais dont la paternité revient à son producteur et réalisateur de renom Tsui Hark. L’histoire début par les tribulations de Ning, jeune collecteur des impôts timide et craintif qui doit mener une délicate missions : prélever les taxes dans des campagnes peu enclines à obéir aux ordres de ce jeune fonctionnaire. Contraint de passer la nuit dans le temple de Lan Jou il croise un moine taoïste bourru et une mystérieuse et envoûtant femme fantôme. Celle-ci aux ordres d’un puissant démon séduit les hommes pour les offrir à son maître. Mais la rencontre avec le jeune naïf bouleverse sa vie tandis que brigands et chasseurs de fantômes veillent.

Librement inspiré du conte racontant l’amour entre un jeune homme et une femme renarde (liaozhau zhiyi), histoire de fantôme se construit comme la rencontre entre quatre genres cinématographiques : le film de fantôme (style l’exorciste chinois) ; le film de sabre ; la kung fu comédie et l’histoire d’amour. Le film réussit à être tout cela à la fois en ne négligeant aucun style. C’est en effet une formidable histoire d’amour porté par deux acteurs au sommet : Leslie Cheung, jeune naïf au cœur pur et la superbe Joey Wong à la présence magnétique. Les personnages féminins profonds offrent au film un aspect moderne qui surprend encore aujourd’hui. Elles sont au cœur de l’intrigue et ne se limitent à de la simple figuration.  Ainsi sous la direction de Tsui Hark les deux personnages principaux parviennent à entretenir la magie de leur amour naissant et impossible tout en évitant l’écueil du « cul cul la praline ». Tout est distillé par de subtiles touchent d’humour sur la sexualité et du pur romantisme (le voile ou la scène autour du piano chinois). Et  donc on se passionne pour leur amourette jusqu’à un final déchirant, intelligent car ne tombant dans le happy end débile.

Le film fonctionne aussi comme un formidable film d’action. Film de sabre épique porté par le moine bourru virtuose de la magie et du combat qui s’engage dans une lutte acharnée contre les démons.  Il vole, explose à tout va. La réalisation de Tsui Hark fonctionne à plein. Non seulement la chorégraphie est virevoltante, créative mais l’originalité est là : tout est prétexte à un déferlement aérien. Et cerise sur la gâteau malgré le temps, les effets spéciaux n’ont pas à rougir. Certes ils ont vieilli mais le film est tout à fait regardable et résiste même mieux à l’usure du temps que des productions récentes gavées au numérique.  Et le coup de génie de Tsui Hark c’est d’avoir insufflé une dose de folie dans ce personnage archétypal du chevalier errant : le rap du moine reste un des moments cultes du film. Le choix d’engager Wu Ma pour interpréter ce personnage est encore une fois une réussite totale.

Le film est enfin une  tragi-comédie parfaitement orchestrée. On rit aux déambulations de ce collecteur maladroit, on rit devant sa naïveté face aux femmes et aux fantômes, on rit beaucoup à chaque allusion sur la sensualité et à la pudibonderie d’une moine. On rit devant les multiples bras cassés qui parcourent le film (brigands, tavenier) dans un esprit très western d’ailleurs. Nous sommes aussi déchirés par la fin du film, typique du style de Tsui Hark (voire l’épilogue de son autre comédie romantique The Lovers).

Quand le film sort en 1987 le succès est au rendez-vous, non seulement à Hong Kong mais dans le monde, au festival d’Avoriaz par exemple. Et 40 ans après ce premier opus reste un monument d’intelligence, de créativité et de réalisation : un grand film.


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