L'été 2016 sera à marquer d'une pierre blanche. Pour la première fois, une grosse production coréenne a droit à une vraie diffusion nationale sur beaucoup d'écrans hexagonaux. Beaucoup d'attentes pour ce blockbuster sud-coréen audacieux mêlant film catastrophe film de zombies et film traitant des douleurs du pays du matin calme.
L'histoire se construit autour d'un synopsis simple. Un incident touche une usine de biotechnologies autour de Séoul. Dans le même temps Seok-Woo trader sans morale doit accompagner sa fille à Busan chez son ex-compagne. Dans le train (un TGV !!) qui les mène vers le grand port du Sud du pays, ils vont avec tous les passager être confrontés à cette apocalypse zombie, confinés dans ce long tunnel d'acier et de verre fonçant vers la dernière ville saine.
Dernier train pour Busan fonctionne d'abord comme un excellent film de zombies, un des meilleurs de ces 10 dernières années. En effet un peu comme dans l'armée des morts, il se construit autour d'une intrigue simple - un père doit sauver sa fille et doit composer avec les rescapés et les zombies-. Et très vite la question se pose qui sont les pires ? Le film nous offre des personnages archétypaux -les salauds, les tendres, les héros- tous confrontés au choix entre sauver leur peau ou sauver l'humanité qui sommeille en chacun de nous. Nous trouvons la femme enceinte, le mari courageux, l'hommes d'affaire égoïste, les amoureux, les amis, les suiveurs, les héros. Mais le traitement est tellement fin que le film évite les grosses ficelles. Tout fonctionne. De plus le film s'est nourri d'années de film de zombies, les références sont nombreuses mais là encore au lieu d'enfiler les citations lourdes il les suggère dans les pauses, les situations, la gestuelle des zombies. Ainsi le rôle de la lumière est un clin d'oeil intelligent à une idée présente dans Wolrd War Z.
Le film fonctionne aussi comme un superbe film catastrophe : snowpiercer rencontre ici World War Z. En effet c'est un huis clos viscéral parfois tragi-comique: comment s'échapper du train, comment traverser des wagons infestés. Une scène énorme est au croisement de snowpiercer et de Old Boy. Et pendant 2 heures le film ne perd jamais son dynamisme. La tension ne cesse pas, les idées de mise en scène fuse : le porte bagage, les poursuites dans les gares...Le hors champs a un rôle crucial ajoutant à l'horreur à la peur permanente. Le film fonctionne beaucoup par suggestions. Pas la peine d'appuyer comme un bourrin, il joue la pudeur dans les scènes de carnages. Notons aussi une écriture parfaite où de petits détails permettent à l'intrigue d'avancer avec fluidité : le cerf du début, la chanson de la petite fille. Le tout allégé de toute obligation de happy end permet à l'oeuvre de rester crédible dans son déroulement et son visuel Il en découle des scènes bouleversantes. Difficile de ne pas avoir envie de chialer devant l'héroïsme du père, le sacrifice du mari ; de trembler pour la petite fille, véritable perle au sein d'un casting 5 étoiles. Ils sont tous bons à la fois dans l'incarnation de l'archétype (le pourri est grandiose) et de l'humanité face à sa propre extinction.
Mais là où le dernier pour Busan fait exploser les neurones c'est dans son sous-texte. Pour les non-initiés Busan a une place à part dans l'histoire de la Corée. En effet lors de la guerre de 1950-1953, ce fut la seule ville qui ne fut pas prise lors de l'attaque surprise et dévastatrice des forces nord-coréennes de l'été 1950. Une poche de résistance où affluèrent les réfugiés et autour de laquelle s'organisa la défense du dernier bastion sud-coréen puis la reconquête du pays. Alors la métaphore est facile à décrypter entre l'invasion-l'épidémie et la recherche. Et Sang-ho Yeon réussit dans ce blockbuster à retrouver les racines du film de zombies originel : la peur l'invasion dans le contexte de guerre froide.
Dernier Train pour Busan amalgame grosse production, film de genre, film réflexif tout en restant intelligent, le tout servi par une réalisation hors pair. Il n'y a guère qu'en Asie où l'on ose produire ces oeuvres non formatées, audacieuses, où l'on ne prend pas le spectateur pour un crétin décérébré ayant peur de toute nouveauté. Ce film est assurément un très grand film et le fait qu'il m'ait arraché des larmes le fait entrer au panthéon du 7è Art.
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