Dans un Toyko futuriste,
la guerre des gangs fait rage et les quatre plus puissantes organisations se
partagent le contrôle de la ville. La police absente laisse les
caïds imposer leurs règles : trafic, drogue, prostitution...
Aux affrontement pour la possession de quartier s'ajoute une querelle
ancienne entre deux des chefs de gang qui menace de faire basculer la
ville dans un chaos total.
Tokyo Tribe c'est l'œuvre d'un des cinéastes les plus audacieux, créatifs, engagés et
aussi un peu fou : Sono Sion. Le bonhomme est complexe à définir tant ses
influences vont du fantastique, au gore, en passant par la
mélancolie, tant ses thèmes fétiches s'étendent de la
critique sociale d'un Japon en implosion, à la défense de la femme
tout en passant par un goût certain pour la sensualité, l'érotisme voire l'exploration des perversions de la société. Sono
Sion c'est un zeste de Takashi Miike le goût pour le sang moins
prononcé, un zeste de poésie propre à Kurosawa et un zeste de
Testsuya Nakashima pour le malaise distillé dans chacune de ces
œuvres.
Tokyo Tribes est une
œuvre à part dans sa filmographie. En effet c'est l'adaptation
libre d'un manga racontant la guerre des gangs dans un néo Tokyo.
Mais Sono Sion n'adapte pas réellement l'oeuvre originelle, il en reprend la trame pour livrer un film que lui même a défini comme
fun. En effet ce film ce sont deux heures d'un spectacle à 200 heures à l'heure où vous sont présentées une guerre des gangs, une course poursuite
dans la ville, une plongée dans le chaos et la tentative désespérée
d'une jeune fille d'échapper aux griffes de son père, chef des
Triades chinoises. Sono Sion abandonne à première vue ses critiques
acerbes du Japon actuelle (voir Suicide Club) pour laisser libre
cours à son imagination. Ainsi niveau action le film fait fort,
empruntant son style autant au manga (les couleurs incroyables de
toute l'oeuvre) qu'au jeu vidéo (le duo formé par le boxer black et
le chinois!!). Les scènes d'action sont impeccablement
chorégraphiées, souvent WTF. Les gags sont nombreux (la révélation
finale sur les raisons de la haine entre les deux chefs est tout
simplement énorme), la mise en scène exceptionnelle : plans,
cadrage, montage de dingue, costumes et effets spéciaux (sauf pour
le char en numérique.).
Et pourtant là où Tokyo Tribes fait fort
c'est que Sono Sion nous fait un cross over improbable entre Akira,
New York 1997 et West Side Story. Car son film est une comédie musicale,
un West Side Story sous acides où les acteurs électrisent les
scènes à coup de flow, de mix Hip Hop. Et cela fonctionne à mervielle . En
reprenant les codes du Hip Hop - kitsch, grotesque, régressif
assumé – le film atteint le nirvana du plaisir cinématographique.
Les gangs rappeurs assument totalement leur outrance et propulse le
film au firmament des expériences cinématographiques. Vu d'occident
le film va surprendre décontenancer car c'est un tout en un :
film de gangsters, film musical, film d'amour, comédie. Tout se
télescope et le talent de Sono Sion c'est de garder le contrôle de
sa création, de maîtriser la chorégraphie, de disposer d'un chef
décorateur hors pair pour créer de la beauté à partir d'un chaos
urbain. Une telle performance technique s'appuie sur une galaxie
d'acteurs au top, des habitués du réalisateur Dendei ou Shota
Sometani ou des jeunes pétris de talent comme Nana Seino déjà vue dans l'excellent drama Ourobouros.
Film décomplexé, fun au
premier abord, Toyko Tribe reprend cependant les principales
interrogations du réalisateur : les malaises de la société
japonaises, l'isolement, la perte des repères et encore et surtout
le statut de la femme, omniprésente pendant tout le film, fragile,
forte, victime, vengeresse. Tokyo Tribe se révèle une belle
surprise, un film original, improbable, une virtuosité visuelle et
sonore. Plus abordable que les autres films de Sono Sion par son
thème plus fun, il reste un objet très décalé symbole de cette
créativité hors norme au pays du soleil levant.
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