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Tokyo Godfathers critique

Miyuki, Hana et Gin sont trois SDF des rues de Tokyo. Miyuki, l'ado fugeuse, Hana le travesti romantique et Gin l'ancien forment un embryon de famille, se disputant pour un rien mais nouant une relation riche. Le soir de Noël ils découvrent un bébé abandonné dans un poubelle. Seul indice pour retrouver ses parents une clé menant à unE consigne contenant des photos et des cartes professionnelles. Les trois aspirants rois mages se lancent à la recherche de la famille du bébé à travers la nuit de Tokyo.



Avec Tokyo Godfathers, Satoshi Kon signe le troisième long métrage d'une carrière qui a autant charmé le public que séduit les critiques. Dans ce film il délaisse en apparence les univers torturés de Perfect Blue pour nous lancer dans un conte de Noël riche en rencontres et rebondissements. Imaginez trois laissés pour compte s'improvisant parents puis détectives privés puis sauveurs d'un nouveau né. Trois personnages incarnation de l'anti-héros : le vieil alcoolique, le travesti prêt à pleurer pour un rien et l'adolescente rebelle. Trois personnages aux antipodes apparemment des qualités de père et de mère. Et c'est là le premier ressort de ce film (remake non officiel du western Three Godfathers de John Ford) la mutation de ces trois naufragés de la vie en famille. Comme dans le western de Ford où trois hors la loi emmènent un nouveau né vers la ville de Nouvelle Jérusalem, ici les trois compères vont traverser une Tokyo scintillante de lumière, grouillante de vie et traversée par des histoires dont les fils se croisent et se décroisent. Ce qui étonnant pour un film de Satoshi Kon, c'est l'aspect lumineux de son œuvre et profondément optimiste. Au gré de rencontres hautes en couleur (un mariage d'un obscur homme d'affaire, un tueur à gage..), de drames (une tentative d'assassinat, des accidents, une ratonnade, un suicide) et d'une ville en proie à une nuit hystérique, l'improbable trio apparaît comme le seule élément stable animé par une mission christique : rapporter l'enfant à sa famille. Et comme une bonne étoile (coucou la référence biblique) semble accompagner le bébé, les trois compères se lancent dans un road trip très drôle.

Cette narration linéaire, qui peut surprendre les habitués du réalisateur, lui permet de construire pas à pas trois histoires en une. Il y a d'abord celle de l'enfant : qui sont les parents, pourquoi cet abandon ? La révélation de la vérité aurait de quoi glacer sans l'esprit du noël qui accompagne le film. Derrière le pathos, la magie de noël vient célébrer la vie. Il y a ensuite l'histoire de ces trois SDF, trois vies brisées où le mensonge et le drame se disputent la scène. Les lentes révélations (merveilleuse scène de l'hôpital ou de la cabine téléphonique) permettent de saisir les raisons qui les poussent à aller chercher eux-mêmes les parents au lieu de confier cette mission aux policiers. Il y a enfin une histoire de Tokyo et de ses aspect méconnus : les SDF apparus suite à la crise économique, les parieurs, les endettés, les émigrés. Une immersion sous le signe de l'optimisme ce qui rend cette virée magique.

Techniquement le travail se Satoshi Kon est remarquable. L'animation demeure un modèle : précise, vive réaliste. La pâte du maîtrise se retrouve dans le traitement des visages, des nez, des rondeurs. Mais à la différence de Perfect Blue où l'animation multipliait les séquences très rythmées avec un montage rapide digne des clips musicaux, Tokyo Godfathers est plus calme, plus mesuré à part pour l'incroyable et cartoonesque scène de poursuite. 

Tokyo Godfathers fonctionne comme un conte de Noël exquis. Servi par une construction linéaire, il nous plonge dans une histoire débordant d'humanisme (sans être naïve), pleine de références religieuses (l'enfant sauveur) et qui emporte le spectateur tant la réalisation et l'humour sont bien dosés.


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