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Bhopal

Dans la nuit du 3 décembre 1984, un nuage toxique s'échappe de l'usine chimique de Bhopal, une ville du centre de l'Inde. Une des pires catastrophes industrielles frappe la cité endormie : les 4 000 morts annoncés dans les jours suivant l'accident se révèlent bien vite inférieurs à la réalité. Le bilan est réévalué à 7 500 victimes en 1995 puis à plus de 20 000 aujourd'hui. Retour sur un drame qui 30 ans après et malgré les 450 millions de dollars versés par les responsables tue encore.




En 1980 l'Inde est en pleine révolution verte, modernisation accélérée de son agriculture débutée depuis 1960. Pour nourrir une population toujours plus nombreuse le pays mise sur les engrais et les pesticides. Le juteux marché attire la firme chimique américaine Union Carbide Corporation qui ouvre une première usine en Inde puis une seconde spécialisée dans les pesticides en 1978 à Bhopal. La ville chef lieu du Madhya Pradesh est de taille modeste pour l'Inde (300 000 âmes). La fabrique est établie à 5 km à l'extérieur de la ville afin de produire le temik et le sevin, deux produits très toxiques. Mais l'exode rural pousse de nombreuses familles vers les villes attirées par les services, les équipements et les salaires. En 6 ans la population triple presque pour atteindre les 800 000 habitants. L'usine se retrouve très vite noyée dans le tissu des construction urbaines précaires bâtis en urgence au mépris de la sécurité et en l'absence de tout plan de prévention des risques



L'usine construite sur les standards indiens inférieurs aux normes occidentales a déjà connu des incidents cachés par les propriétaires et les fonctionnaires indiens corrompus. Au début des années 1980 le juteux marché indien se révèle bien moins prometteur. L'usine ne couvre pas ses frais de fonctionnement et devient déficitaire. Mais le gouvernement indien fait pression pour que l'industriel américain ne la ferme pas. Celui-ci décide alors de rogner sur les coûts : réduction des effectifs, engagement de personnels peu qualifiés, non réparation des équipements. Les germes de la catastrophe sont en place. En octobre des problèmes de pression sont signalés au niveau du réservoir 610 rendant impossible l'évacuation des produits toxiques. La nuit fatale une opération de maintenance est organisée. Deux employés ont entrepris de nettoyer à  grand renfort d'eau un tuyau mais par imprudence ou incompétence ils ont oublié de fermer la vanne qui communique du tuyau au silo 610. Celui-ci a se remplit pendant trois heures d'eau. La pression atteint presque 30 fois le niveau autorisé. Mais aucun ouvrier ne prend conscience du danger, ne se fiant pas aux instruments de mesure souvent déficients et ne voulant pas déranger leur chef. Mais à 0 h 30 l'un deux décide d'informer son responsable et d'aller vérifier le silo. Il est trop tard la pression fait sauter le couvercle et libère un nuage toxique sur les quartier environnants. Une partie des employés terrifiés fuit l'usine à pieds. Sans lignes téléphoniques fonctionnels, les autorités ne sont informées que très tard. Il faut attendre 2 heures pour que le silo soit scellé. Dans la ville endormie le gaz mortel a fait des ravage brûlant les yeux avant de provoquer l'asphyxie. 3 500 personnes meurent la première nuit. Les médecins débordés voient affluer les malades et le bilan s'alourdit dans les jours suivants. En effet ils n'ont pas été informés ni de la toxicité ni de la nature du produit qui s'est échappé.  Le nuage a couvert plusieurs dizaines de kilomètres carré provocant un exode d'une partie de la population. 


Quand la situation est reprise en main les conséquences sont terribles ; aujourd'hui on estime que près de 300 000 personnes ont été affectées par la pollution à des degrés divers dont plus de la moitié porte des séquelles irréversibles. Ce fut à la justice d'établir la chaîne de responsabilités. Au bout de trois ans de procédure (1986-1989) la société américaine et sa filiale indienne sont condamnées à payer 450 millions de dollars en compensation, soit 500 à 700 dollars par victimes, une somme faible. Quant au volet pénal il n'aboutit pas. Warren Anderson le PDG de l'usine fut poursuivi pour négligence ayant entraîné la mort  après la découverte  qu'une autre usine située cette fois-ci aux Etats-Unis présentant des défaillance identiques ait fait l'objet d'importants travaux de réparation. Mais il ne se présenta jamais   jusqu'à sa mort en 2012 devant la justice indienne. Aujourd'hui le site reste pollué et provoque chaque mois une trentaine de décès.

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