Jubei fut l'ancienne meilleure lame du shogun. Traqué par les hommes de l'empereur, il leur échappe et part dans le Nord d'Hokkaido où survivent les derniers représentants du peuple Aïnou. L'homme fonde une famille, devient fermier et tire un trait sur son passé malgré la pauvreté de ces régions septentrionales. Mais voilà que dans une petite ville de la région, deux fermiers tailladent le visage d'une prostituée et s'en tirent à bon compte devant la justice : livrer des chevaux pour payer leur dette. Les prostituées décident de défendre elles-mêmes leur honneur en promettant de payer 1000 yens à quiconque tuerait les deux hommes. Un vieil ami de Jubei le convainc d'accepter le contrat. Rejoint par un jeune métisse aïnou, les trois hommes partent vers le Sud tuer les deux fermiers.
Un projet audacieux
Si ce résumé vous évoque quelque chose, c'est normal car il s'agit d'un des projets les plus risqués du cinéma japonais : remaker le western désenchanté de Clint Eastwood Impitoyable sorti en 1992 et couronnée aux oscars !!! Nous avons souvent sur ce blog parler des remakes de films asiatique, ici et c'est assez rare pour le souligner c'est l'inverse qui se produit. Le réalisateur japonais Lee Sang Il a dû relever un double défi : outre transposer l'univers du Western dans le Japon du XIXè siècle, faire mentir la règle qui veut que le remake d'un très bon film est très souvent raté. Coupons court à tout suspense, le film est une réussite étonnante, bluffante.
D'abord côté casting, l'original alignait du lourd : Clint, Gene Hackman, Morgan Freeman excusez du peu. Mais le remake n'a pas à rougir car aux côté de Ken Watanabe (brillant dans les lettres d'Iwo Jima d'un certain Clint Eastwood), on trouve des acteurs stars confirmés comme Koichi Sato, Akira Emoto (des gueules pardonnez l'expression) et un jeune pétri de talent Yuya Yagira prix d'interprétation à Cannes pour Nobody know (il n'avait que 14 ans à l'époque). Et cette dream team nippone permet au film de ternir la comparaison. Ken Watanabe joue à merveille le vieux guerrier épuisé. Akira Emoto glisse avec malice dans le rôle de Morgan Freeman réussissant à dégager la même impression de bonhomie et de sympathie. Yuya Yagira est prodigieux et dépasse même la prestation du Kid de l'original. La surprise c'est Koichi Sato à qui revient le douloureux défi de reprendre le rôle magistrale du sheriff tenu par Gen Hackman. S'il n'arrive pas à éclipser l'original, sa prestation est brillante oscillant entre perversité, domination et cynisme. On peut aussi citer tous les secondes rôles - l'écrivain, le samouraï égocentrique), les femmes - joué par des acteurs talentueux.
Une ambiance captivante
L'autre point fort du film c'est la transposition à Hokkaido, dans le grand Nord japonais entre montagne, forêt et peuple Ainou colonisé. L'idée est brillante car on se trouve littéralement plongé dans un far west japonais. La présence des Aïnous est une vraie trouvaille permettant au réalisateur de rappeler l'acculturation forcée, la disparition violente de ce peuple dont le destin rappelle celui des indiens d'Amérique. De même le choix de plonger le film dans les première années de l'ère Meiji intègre parfaitement l'itinéraire de Jubei, guerrier, assassin repenti. Certes sa figure est à la base moins noire que celle de William Munny tueur sinistre dans Impitoyable mais le retour sur son passé, sa sauvagerie est tout aussi forte. Enfin les paysages sont un point fort du film. C'est un autre Japon superbe, sauvage, froid qui sert d'écrin à cette histoire simple de vengeance mais magnifiée par la mise en scène.
En effet si le film reprend l'intrigue, la construction, les scènes phare (Ken Watanabe rampant dans l'auberge, Koichi Sato humiliant l'ancien samouraï), il modifie quelques points pour renforcer son intégration à l'univers culturel japonais : les fermiers sont d'anciens samouraïs (ce qui explique la mansuétude du shérif), la femme de l'ami de Jubeï a disparu pour renforcer la solitude de ces vieux guerriers, leur jeune compagnon est un métisse Aïnou-Japonais ce qui permet de reprendre toutes les thématiques liées au personnage de Morgan Freeman l'esclave affranchi. Le réalisateur joue parfaitement avec ces intrigues diverses, permettant de développer chaque personnage clé. Le film offre des scènes splendides sur la ferme désolé de Jubei balayée par les vents, sur la forêt, sur la violence des hommes, sur ce Japon entrain de changer (la scène finale de la maison en feu est forte en symbolique).
Très beau, très bien filmé, merveilleusement interprété, Unforgiven est une réussite dépassant toutes les attentes. Un remake intelligent qui surmonte tous les dangers de l'entreprises.
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