Le japon du milieu XVIIIè siècle est frappé par une épidémie incurable et désastreuse frappant les hommes. Une fois atteint la mort est quasi assurée et ceux qui survivent portent des stigmates indélébiles sur leur visage Ce Japon de l'ère de Shotoku ne compte plus qu'un homme pour quatre femmes. Naturellement ce sont elles qui les remplacent dans les tâches "masculines" et qui prennent le pouvoir tandis que l'homme devient un bien rare. C'est donc ce contexte qu'Unoshin Mizuno grandit.
Féru d'arts martiaux et de combats au sabre, son destin de samouraï n'est pourtant qu'un rêve avec la quasi disparition de la guerre. S'il aime son amie d'enfance Onobu il ne peut l'épouser à cause de leur différence sociale. Ces parents décident de lui trouver une épouse mais pour échapper à ce destin et aider sa pauvre famille il choisit d'intégrer le Ohoku, le prestigieux service des appartements privés du Shogun composé de 3 000 hommes dévoués jusqu'à leur mort aux services de la Shogun. Ce qu'ignore Unoshin c'est qu'une nouvelle shogun vient d'être choisie et qu'entre les 3 000 serviteurs tous choisis pour leur beauté la concurrence est cruelle.
Une métaphore du monde actuel
Sacré film audacieux (basé sur le manga de Fumi Yoshinaga) qui décide d'inverser les rôles hommes-femmes pour dénoncer l'absurdité des société machistes d'hier et aujourd'hui. Sur le ton de la farce puis du drame, The lady Shogun réussit son premier pari de nous rendre crédible cette histoire alternative. Dans ce Japon démasculinisé, c'est aux femmes qu'incombent les tâches physiques : menuiserie, porteuse, pouvoir. Les hommes sont réduits à un rôle annexe. Trop fragile, trop rare, ils ont perdu leur autonomie et sont au service de la société.
Ainsi désormais ce sont des geisha hommes qui animent les rues des quartiers chauds ; de même la "prostitution" est exclusivement masculine et permet aux femmes d'essayer d'avoir des enfants. Quelque soit leur âge, elles achètent les services de ces hommes-objets. Cette inversion des rôles culminent avec la description des appartements privés. Ces 3000 hommes n'ont pas le droit d'avoir de relations sexuelles avec d'autres femmes, doivent garder le silence sur ce qu'il voit et doivent être toujours bien mis pour espérer attirer l'attention de la Shogun. On retrouve toute l'ambiance des harems ou des palais remplis de servantes et de concubines (voir la critique du film coréen shadows in the palace). Les trahisons sont nombreuses, les violences et les luttes d'influence. Car si dans notre monde réel les concubines essayaient de donner un héritier à l'empereur, ici les 3 000 hommes sont bercés par une ambition : être celui qui concevra l'héritier du trônes.
Une ambiance prenante
L'autre pari réussi c'est de nous montrer l'absurdité des règles imposés dans ces sociétés sexistes : mariage forcé ou la règle voulant que le 1er partenaire sexuel de la vierge shogun soit décapité !! On rit aussi énormément lorsque l'on observe ces hommes passés des heures à chercher la meilleure tenue pour plaire à leur maîtresse. On rit un peu moins quand on découvre l'absurdité des tensions, frustrations des serviteurs. La fin sans la dévoiler est une belle surprise et belle leçon de féminité renforçant le discours sous jacent du film.
Le dernier pari relevé avec brio ce sont les décors. Certaines scènes ont été tournées dans des lieux historiques (le château de Himeji il me semble) et les reconstitutions sont splendides. Un travail solide permettant une immersion totale. Notons aussi qu'une nouvelle fois la distribution est excellente. Ko Shibasaki est toujours aussi splendide et renforce la fascination exercée par cette femme de pouvoir sur les hommes. Il est d'ailleurs très intéressant de la voir abandonner les rôles de femmes fragiles (Suspect X) où elle excelle pour des rôles de femmes fortes à l'image de sa partition dans Battle Royale, un de ses premiers rôles. Et que dire de la composition de Kazunari Ninomiya plus connu en Occident pour son rôle dans Lettre d'Iwo Jima et star du boys bands Arashi au Japon. Encore une illustration de cette particularité asiatique qui veut que le cinéma donne sa chance à des chanteurs de boys band !!
Au final encore un très bon film qui - et ce serait peut être la seule réserve- tout en demeurant classique dans sa mise en scène, exploite une histoire riche aux échos encore très modernes.
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