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shadows in the palace

Meurtres et concubines

Au coeur du palais royal, dans les appartements de la 1ère concubine le corps d'une servante est retrouvé pendu. Alors que tout le monde conclut à la hâte au suicide, Cheon Ryeong jeune infirmière se rend compte lors de l'autopsie qu'il s'agit d'un meurtre et que la jeune morte n'était plus vierge. Double découverte qui projette la jeune femme éprise de justice dans les arcanes de la lutte des clans. Les morts étranges s'enchaînent, le mystère s'épaissit tandis que resurgissent des secrets que personne ne souhaitait revoir.


Un premier film ambitieux

Pour son premier long métrage Kim Mi Jung a choisi une intrigue ambitieuse au croisement des styles. Shadows in the palace se construit en effet comme une très astucieuse enquête policière dans l'univers feutrée de la cour impériale. La grande nouveauté c'est que le film fonctionne dans un univers presque exclusivement féminin (à part les personnage du roi et du vicomte). En effet à l'époque où se déroulent les faits, les appartements des concubines/épouses étaient entretenues exclusivement par des femmes qui devaient préserver leur virginité pour le seul roi. C'est donc dans ce microcosme que se déroule cette enquête où les luttes entre épouses, les espionnes, la surveillance, les frustrations, la tentation se multiplient. 

L'enquête permet une plongée saisissante et effroyable dans un univers où le patriarcat règne où les femmes se livrent des guerres sans merci où la tentation est sévèrement punie. Ce qui est fort c'est que si les hommes sont peu présents à l'écran, ils dominent cet univers cloisonné. Le film offre quelques scènes terribles décrivant les sévices infligés aux contrevenantes, scènes qui trouvent encore aujourd'hui un écho dans le traitement des femmes en Afghanistan par exemple. Les parallèles avec l'actualité récente sont d'ailleurs nombreux ne serait-ce que par la tenue des jeunes servantes lors du rite d'initiation. Dans cette atmosphère oppressante l'enquête devient un véritable défi pour ne pas rompre l'équilibre de la bienséance. Il règne un univers de paranoïa, de suspicion constante qui oblige l'héroïne à des trésors d'équilibristes pour ne pas sombrer. Huis clos haletant malgré l'absence de scènes d'action pure, shadows in the palace profite d'un excellent scénario: chaque nouvel élément apporte son nouveau lot de vérités mais aussi de contraintes et isole un peu plus l'héroïne.


La guerre des Dames

Le film décrit aussi un sourd conflit entre la reine mère, l'épouse officielle et la première concubine. Une lutte sans merci où la présence d'un héritier issu des ébats entre le roi et sa concubine menace de tout emporter. La mise en scène du protocole, des vexations, de l'avilissement permanent est très forte. Elle vient renforcer le mystère planant autour du meurtre : vengeance, complot, adultère. Cette mise en scène dense dispose d'actrices toutes prodigieuses. Elles incarnent ces multiples visages de cet univers cruel : collaboratrice, bourreau, victime, innocente, naïve. Elle nous plongent à fond de l'âme féminine et dans ces aspects les plus sombres.

En terme de construction ensuite, toutes les pistes sont ouvertes et le réalisateur prend un malin plaisir à nous égarer. Car dans le développement du récit il mêle régulièrement des flash blacks, sur le passé trouble de la jeune enquêtrice, sur les conflits entre les épouses. Ces flashbacks ne sont jamais annoncés de sorte que le spectateur doit être toujours attentif et est souvent un peu perdu. Effet de style volontaire qui renforce l'immersion et le sentiment d'absolu torpeur. Renforcé par les costumes, les coiffures, on en vient à certains moments à confondre parfois les protagonistes. Effet de style ou regard maladroit d'un occidental. Il n'en reste pas moins que cette lutte feutrée fonctionne à merveille et nous permet pendant 1h 50 d'être véritablement accroché à l'intrigue.

Là où le film va encore plus loin, c'est qu'il ajoute une dose de fantastique à son enquête. Ce fantastique est astucieusement introduit via les rêves, les songes (les fantasmes ?) de ces jeunes femmes via les crimes étranges qui freinent l'enquête via surtout cette atmosphère étouffante où chaque cloison sembla cacher un ennemi invisible. Sans dévoiler l'excellent et étonnant retournement ce volet fantastique permet d'enrichir ces enquêtes multiples où finalement des histoires parallèles s'entrecroisent : celle du roi, de la morte, des épouses, de l'infirmière. Jusqu'à une scène finale brillante qui va surprendre plus d'un spectateur.



Au final Shadows in the palace est un sacré bon film ambitieux, audacieux comme si Le Nom de la Rose, Epouses et concubines et The Ring fusionnaient. 


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