Atsumi et Koichi se connaissent depuis l'enfance et vivent ensemble. Atsumi est une dessinatrice de manga talenteuse soumise à beaucoup de pression. A bout de nerf elle tente de se suicider et tombe dans le coma. Koichi désespéré décide de participer à une expérience scientifique innovante : pénétrer dans le cerveau de sa petite amie, comprendre son mal de vivre et essayer de la ramener la conscience.
Kiyoshi Kurosawa aime les univers complexes lorgnant entre le fantastique et le réel, gommant la frontière entre la réalité et le rêve comme dans le très réussi Kaïro. Dans Real il prend un univers de pure science-fiction et le traite avec son goût pour le thriller cérébral. Loin des habitudes des grosses productions américaines, il ne va pas écorner son sujet par une surenchère d'effets, de sentimentalisme excessif. Le film fonctionne ainsi par l'excellent traitement visuel. Les voyages incessants dans la conscience de la jeune fille conduisent le petit ami à la frontière entre les deux mondes. C'est un monde de brume, de blancheur, de visages totalement figés qui s'ouvre devant lui et son esprit est poussé aux limites de la logique.Le réalisateur joue merveilleusement avec les métaphores sur la mécanique du cerveau. La brume qui entoure l'immeuble où Koichi retrouve son amie rappelle la plongée au coeur de l'inconscient, l'eau l'inondation, les fantômes, figurent les troubles d'un esprit endormi. Kurosawa s'amuse de la sorte à évoquer l'univers de ces films précédents, Kaïro notamment et les réminiscences des présences fantomatiques. Ce qui est très fort, c'est qu'une fois sa "plongée" achevée, Kyochi porte encore les stigmates de ces visions. Au volant de sa voiture, au bureau, dans son appartement le surnaturel s'invite et pousse à se demander si réellement il est sorti de cerveau de son amie. Pour un peu les plans sur la ville rêvée, le vertige des escaliers blancs, répétitifs presque infinis, le trouble perpétuel entre réel et fantasme nous rappellent l'univers de l'anime Ghost In the shell qui jouait beaucoup sur la manipulation de l'esprit.
Très beau, poétique, le film se construit comme une très belle histoire d'amour entre une artiste et son ami prêt à tout pour la retrouver. Ce qui est intéressant c'est que cet amour simplement évoqué amène le jeune homme à replonger dans le passé de leur histoire : l'île où ils ont vécu, le complexe touristique bâti sur celle-ci, l'opposition entre leur deux pères et la figure du plésiosaure. Par la seule gestion du rythme et la finesse du scénario, tous les flash backs sont particulièrement lisibles. Kiyoshi Kurosawa peut se permettre d'exploiter toute la richesse du thème, de perdre le spectateur et d'oser explorer des thématiques risquées comme celle du plésiosaure. Car bien avant Tree of life, un dinosaure intervient dans le film, ici sous la forme du souvenir d'un dessin qui semble la clé d'une possible guérison. Il nous permet de saluer l'excellence des rares mais efficaces spéciaux, un fait à noter pour une production nippone. Et ceci soulève le talent pur du réalisateur dans l'art du cadre,de la lumière. Des scènes d'une beauté poétique se multiplient : l'enlacement sous l'arbre, l'enfant sur la place, la maison et les fantômes.
Mais ce qui transforme cette ballade poétique en grande oeuvre c'est le retournement qui intervient dans le film au bout d'une heure. Avec le recul, on se rend compte que le réalisateur avait intelligemment esquissé dans quelques détails de sa mise en scène. Ainsi le dinosaure, l'île, l'enfant propulsent le film vers une fin réussie, prodigieusement belle et optimiste (un luxe pour une production nippone).
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