« Embaumant le parfum, elle esquisse des pas de lotus ;
Et malgré la tristesse, marche le pied léger.
Elle danse à la manière du vent, sans laisser de trace physique.
Une autre, subrepticement, tente gaiement de suivre le style du palais
Mais grande est sa douleur sitôt qu'elle veut marcher !
Regarde-les dans le creux de ta main, si incroyablement petits
Qu'il n'est de mot pour les décrire. »
Poème de Su Shi, 11è siècle
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A gauche une femme aux pieds non bandés à droite une femme aux pieds bandés, en 1902 |
Cela est toujours difficile à admettre pour l'Occident mais l'arrivée au pouvoir des communistes a apporté aux femmes chinois un vent de liberté et de droits : fin des mariages forcés, du concubinage et des pieds bandés. Cette pratique remonte au 10è-11è siècle sous la dynastie des Tang. Contrairement à une idée fausse, cette pratique a d'abord été réservée aux filles de la noblesse. Comme l'explique le poème de Su Shi, cette habitude répond à trois critères. D'abord une volonté que les femmes chinoises possèdent de petits pieds leur permettant d'exécuter des danses : la légende raconte que c'est pour réaliser la danse du Lotus pour l'empereur Tang que sa concubine se banda les pieds. Ensuite un critère esthétique, les petits pieds sont jugés plus désirables. Enfin c'est un signe de richesse et de noblesse. Cette habitude s'est rapidement étendue à toutes les classes sociales sauf celles issues des minorités. Cependant le caractère handicapant de ces pieds limita sa pénétration dans les classes les plus pauvres puisqu'une femme aux pieds bandés ne peut exercer que des tâches domestiques. Mais l'importance culturelle de ces petits pieds étaient elles que les femmes mandchous se firent confectionner de petits chaussons pour imiter la démarche chaloupée des femmes chinoises.
Cette coutume engendra des souffrances sans nom pour les femmes chinoises. Outre des fractures, les orteils subissaient des nécroses, le pied était le siège d'infection et la marche devenait douloureuse en hiver. En plus si le bandage des pieds intervenaient à un âge tardif les risques augmentaient et de nombreuses filles et femmes sont mortes des suites d'infections. L'occidentalisation de la société chinoise à la fin du XIXè siècle ne permit pas l'abandon de cette habitude. C'est le régime communiste qui mit fin à cette pratique.
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Radiographie de pieds bandés |
Si Yin Zhin, 90 ans en 2011. Ses pieds furent bandés très jeunes et le restèrent jusqu'à aujourd'hui au point d'avoir épousé la forme des minuscules chaussures qui emprisonnaient les pieds.
Zhang Yun Ying, 103 ans en 2014 (Shandong)
Pue Hui Ying, 75 ans en 2011. Ses pieds furent bandés à l'âge de 7 ans, débandés à l'âge de 12 ans ce qui l'obligea à réapprendre à se tenir debout et à marcher avec des orteils cassés. C'est pourquoi elle a conservé ses pieds bandés.
Su Xi Rong, 75 ans en 2008. Considérée comme la plus belle de son village dans la province du Shandong à cause de ces petits pieds. Elle tenta de se débander les pieds mais sa grand mère la menace de lui arracher la peau des pieds. Aujourd'hui elle ne peut marcher longtemps.
Guo Ting Yu, 83 ans en 2010 (Shandong). Sa mère était contre cette pratique alors Guo se banda elle-même les pieds à l'âge de 15 ans en imitant les gestes de sa mère. Ses petits orteils sont tous cassés pourtant le pied n'a pas rétréci.
Ma Zhen é, 96 ans en 2014, Shandong. Elle subit le bandage à 7 ans. Elle pleura tant que son grand frère demanda à ce que cela cesse, en vain. Se pieds furent débandés à l'âge de 30 ans.
Yang Jingé, 87 ans en 2010, Shandong. Ses pieds lui furent bandés par sa grand mère alors qu'elle n'avait que 5 ans.
Zhao Hua Hong, 83 ans en 2010. Originaire du Shandong, cette paysanne illettrée eut les pieds bandés à l'âge de 15 ans.
Huo Guan Yu, 89 ans, Shandong. Ses pieds furent bandés à l'âge de 6 ans et le restèrent jusqu'à 2010. Elle les libéra tardivement car elle ne pouvait plus les bander et personne ne pouvait l'aider. Noter le sillon entre le talon et la plante du pied siège d'infection
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