A redécouvrir

firestorm

Andy Lau super-héros 

Alan Yuen n'a réalisé que quatre films en 20 ans. Longtemps scénariste on lui doit rob-B- Hood avec Jackie Chan et le très réussi connected de Benny Chan. En 2013 il se lance dans la réalisation d'un polar/actionner et  décide de viser haut en castant  Andy Lau, Gordon Lam, Ray Lui pour une histoire de braquage auX quatre coins de Hong Kong. 

Un polar référencé

Firestorm se bâtit sur un trame classique. Alors qu'une tempête tropicale se rapproche de Hong Kong, un policier joué par Andy Lau est déterminé à employer tous les moyens pour arrêter une bande de braqueurs ultra violents, professionnels et au sang froid terrifiant. Ce faisant il doit mettre en péril la vie d'un de ses indicateurs ancien gangster et d'un ami d'enfance récemment sorti de prison. Alan Yuen a baigné dans l'univers des polars ultra rythmés made in Hong Kong et il a pris le parti de leur faire honneur voire de les dépasser pendant 1h50. 

Son film peut en effet se décrire comme la rencontre entre A toute épreuve de John Woo et Heat de Michael Mann. En effet niveau gunfights, le film part loin très loin et tente d'impressionner à chaque scène le spectateur ; fusillade dans des escaliers, embuscades dans le rue, course poursuite à travers la ville. On retrouve l'influence d'oeuvre comme Breaking News de Johnnie To ou de Time and Tide pour les affrontements et les sauts entre immeubles. Alan Yuen est généreux et il a décidé de faire un film choral : toutes les armes à feu y passent, toutes les possibilités de scènes d'action sont exploitées et influence de Tsui Hark oblige, la volonté de tourner des scènes les plus réalistes possibles d'où cet impressionnant gunfight final en pleine circulation. 

Un équilibre entre actions et réflexion

On  peut à chaque scène  retrouver une forme d'outrance propre à John Woo et son indépassable à toute épreuve (la citation de John Woo est aussi visible avec le vol de pigeon évoquant les colombes de The Killer) ; et aussi une tentative de poésie, de mise en scène très léchées qui lorgne beaucoup vers Michael Mann : l'attaque des convoyeurs sur la plazza est un hommage à la fusillade finale de Heat. Il ne faudrait cependant pas réduire le film à une succession de citations. Alan Yuen apporte son propre traitement des scènes comme celles  des voitures ou l'utilisation du vol des oiseaux emprunt osé et réussi à l'univers de Batman. 

Firestorm ne se résume cependant pas à une longue course poursuite. Comme dans beaucoup de polars made in HK, le film a le temps d'approfondir certains de ces personnages.  D'abord celui d'Andy Lau flic droit, intègre se refusant à toute corruption ou entrave à la justice au nom de droit et dont les principes sont remis en cause par ce gang quasi nihiliste sans aucune limite. On est aussi très touchés par les figures des deux "infiltrés", le père d'une fille autiste et le futur père en quête de réinsertion.  

Des acteurs excellents, une réalisation trop généreuse

Les quelques passages au calme du film sont magnifiquement servis par ces deux intrigues bien utilisées apportant une savante dose de drame. De même l'ambiance symbolique de la tempête entrain d'arriver permet à Andy Luen de nous gratifier de  superbes plans poétiques sur Hong Kong et son ciel tourmenté. D'ailleurs toutes les scènes urbaines sont superbes : vues en plongée des tours, montage nerveux à la 24 heures chrono, plan séquence sur la ville de nuit. Le travail sur la couleur et les filtres donne un pâte à toutes ces séquences urbaines. Il y a ainsi une vraie recherche de plus-value esthétique qui nous offre des panoramas intéressants sur la ville. Dans la même veine, le réalisateur exploite au maximum le ressort cinématographique de certains détails comme les caméras qui deviennent un élément clé du film. Il profite enfin d'un casting de très haute volée et très bon. Andy Lau est excellent en flic badass, Gordon Lam est très convaincant en ancien repris de justice en quête d'équilibre. Mention spéciale pour la petite fille qui offre au film ses moments les plus touchants.

Film dense et ambitieux, Firestorm regorge cependant de petits défauts qui l'empêchent d'égaler les films vers qui il lorgne. D'abord certains effets spéciaux laissent à désirer comme trop souvent dans les productions asiatiques. Ensuite le film à trop citer et à trop osciller en l'actionner décomplexé et le film réflexif manque d'équilibre. Ainsi la scène de fusillade dans l'immeuble s'achève sur un duel au-dessus du vide  too much. C'est d'ailleurs une constante pendant ces 1h50. A trop vouloir en mettre plein la vue, le réalisateur perd en "crédibilité". C'est très vrai pour Andy Lau qui en prend plein la figure : chute vertigineuse, accident de voiture, explosion... et qui se relève à chaque fois. C'est dommage car l'itinéraire de ce flic incorruptible poussé aux frontières de sa morale est une des forces du sous-texte du film et aurait mérité d'être encore plus développé.

Que conclure au final de Firestorm. Comparer aux actioners hollywoodiens habituels, il est largement au-dessus ne serait-ce que par sa violence assumée. Le film se paie le luxe de très belles séquences, de très beaux plans révélant le talent du réalisateur. Mais à trop vouloir citer et en mettre plein la vue, il ne reste qu'un excellent divertissement qui n'atteint que rarement la beauté poétique de ses modèles tels Heat ou A toute épreuve. Il n'en demeure pas moins que Alan Yuen fait une entrée fracassante dans le cercle des réalisateurs de films d'action hong kongais.


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