Liliane vit en France, son fils est parti vivre en Chine. Elle mène une existence un peu comme l'étranger de Camus, sans saveur excepté lorsqu'elle soigne ses patients. Survient alors le drame. Son fils Christophe meurt accidentellement en Chine et alors qu'elle voudrait rapatrier le corps elle tombe sur un administration française rigide. Elle prend alors la décision de se rendre sur place et se revenir avec le corps de son fils même si elle ne maîtrise pas la langue.
Zoltan Mayer était photographe avant de réaliser ce premier film intimiste sur la mort, la renaissance et la rencontre et cela se ressent. La première qualité de son film vient en effet de la haute tenue visuelle. De Shanghai à la campagne chinoise, il nous gratifie de plans somptueux jouant sur le flou, les angles pour mettre en valeur un détail. Ce choix est pertinent car il met le spectateur dans la peau Liliane qui tout en découvrant le pays, écrit un journal au gré de ces rencontres, des gens croisés qu'elle ne comprend pas des détails parfois anodins auxquels elle se rattache. Chaque élément la raccroche à une vie qui semble la fuir depuis la mort de ce fils loitain. Le réalisateur filme avec beaucoup de poésie : de la scène de l'hôtel baignée par les lumières des néons, à celles dans le village sur le pont ou le magnifique passage par la forêt de bambous lieu où disparut son fils. Derrière ce parti pris esthétique, Zoltan Mayer retranscrit l'itinéraire de la mère qui tente de découvrir ce qui fascinait tant son fils.
L'autre qualité de ce film concerne son histoire. Ce n'est pas un film sur le deuil mais sur la renaissance. Celle d'une mère qui part dans un pays inconnu, rencontre des gens inconnus et va réapprendre à vivre grâce à des rencontres fortuites (un enfant, une grand mère) ou voulues (la fiancée de son fils) qui retissent une vie en lambeaux. Il y a la rencontre de ce chinois francophile qui vient prendre la place du mari laissé en France qui tient le mauvais rôle (peu présent, fâché avec son fils..). Le réalisateur joue aussi merveilleusement avec le handicap de la langue : la scène du bus où Liliane échange avec un jeune enfant malgré l'obstacle de la langue est belle et drôle. Les scènes aussi en France sur l'administration sont tragicomiques : là encore la langue joue un rôle entre le langage administratif faussement empathique et la douleur incommunicable de la mère. C'est un film sur le départ aussi. Liliane vit dans un pays qui ne lui apporte rien et découvre un autre. Certes certains reprocheront au film de s'intéresser qu'à la douleur de la mère et non celle des villageois chinois ; pourtant le film vise quelque chose de plus fort. La simplicité des sentiments, la rencontre de deux cultures que tout oppose au travers du pire drame d'une vie. A ce titre la fin du film est surprenante, bien trouvée. Pour réaliser un tel film, Zoltan Mayer s'appuie sur une Yolande Moreau au sommet de son art, grave, sombre au début qui lentement s'éveille à la vie. Son jeu intime, sensible fait merveille. De même tout le casting chinois est excellent à commencer par Qu Jing Jing, superbe dans son rôle de la petite amie.
Voyage en Chine réussit là où ne l'attendait pas. Un film à la française intimiste, intelligent, esthétisant et pourtant qui ne procure pas d'ennui. La raison : un réalisateur brillant, une actrice superbe. Ce film est une belle surprise.
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