A redécouvrir

Wu Zetian, Theodora

Histoires parallèles,  premier chapitre.
Connaissez-vous Plutarque ? cet écrivain- proto historien grec rédigea il y a 2000 ans de cela une œuvre phare de l’Antiquité qui fut lue, étudiée et commentée par des générations d’Historiens : Les Vies parallèles des Hommes illustres. Il s’agissait d’une biographie comparée de dignitaires romains avec leur alter ego grec : César et Alexandre, Thésée et Romulus ou Démosthène et Cicéron L’exercice comparait leur parcours, leur défaut (l'ubris), leurs réussites, dans le but de tirer des leçons morales pour les futurs gouvernants. Cette œuvre est unique et nous a inspiré à une humble mesure un travail identique. Dresser le portait de personnages de l’histoire asiatique en les comparant à leur alter ego occidental. 

Wu Zetian
Théodora





















 Premier étape : honneur aux dames, Wu Zetian et Théodora.

Wu Zetian est une femme illustre et célèbre de l’histoire chinoise. Elle fut la seule femme impératrice, titre réservé aux hommes. Il y eu des régences, des inter-règnes  exercés par des femmes. Mais Wu Zetian a porté les fonctions d’impératrice, succédant au Tang et donnant naissance à une nouvelle dynastie éphémère les Zhou.  Son itinéraire est particulier. Simple courtisane d’origine humble rien ne la destine à exercer le pouvoir. A 12 ans elle entre au harem de l'empereur Taizong et la jeune attire l’attention du fils de l’empereur. Ainsi quand l’empereur-père meurt et qu’elle est expédiée dans un monastère, le jeune empereur Gaozong la visite. Elle obtient l’aide inattendue de la jeune impératrice qui décide de la faire venir pour lutter contre autre rivale, la seconde épouse. Situation classique des rivalités à une époque où la polygamie des empereurs est une marque de puissance. La jeune paysanne entre dans les intrigues du harem et va vite révéler une forte intelligence.  Wu conquiert le cœur de l’empereur. La lutte ente les deux femmes devient féroce. Dame Wu tombe enceinte et accouche d’une fille. Les mémorialistes racontent qu’elle aurait étranglé le bébé juste après la visite de l’impératrice avant de lancer la rumeur d’un assassinat. L’empereur ne cède pas aux accusation mais dame Wu va plus loin en accusant la première et la seconde épouse de sorcellerie. L’empereur terrifié n’écoute plus ses conseillers et prend le partie de sa concubine. Sa vengeance s’abat sur les deux rivales qui sont arrêtées puis mises à mort  après avoir été torturées.   
Wu Zetian devient impératrice.  Gaozong tombe sous son influence : Wu élimine un à un ses opposants et quand l’empereur meurt en 683 elle exerce la régence au nom de l’enfant empereur Zhongzong. Puis en 690  elle le dépose et devient empereur une innovation que ne goûtent pas les membres de la famille impériale mais leur révolte est noyée dans le sang. Sa puissance ne connaît plus de limites et, bien que d'un âge très avancé, elle s'octroie les faveurs d'un jeune bonze bouddhiste qu'elle fait nommer à la tête d'un monastère de Luoyang, l'ancienne capitale de la Chine. Elle renforce la position militaire de la Chine. Mais ses opposants demeurent. Finalement, dans la nuit du 22 février 705, des conjurés se précipitent les armes à la main dans les appartements de la vieille impératrice. Ils assassinent ses favoris et l'obligent à abdiquer.



Un tel parcours dans l’histoire chinoise est unique. On retrouve une femme qui eut en Occident un itinéraire similaire. Théodora l’épouse de l’empereur Justinien de Byzance au VIè siècle après Jésus Christ.  Théodora est d’extraction humble car fille  d’Acacius, dresseur d'ours et belluaire attaché à l'hippodrome de Constantinople. Son père meurt quand elle est enfant ce qui la laisse sans ressources avec sa mère et ses sœurs. Elle devient danseuse nue, courtisane pour ne pas dire prostituée. Belle et intelligente elle devient maîtresse d’un haut fonctionnaire. Elle  apprend à lire et écrire et acquiert une culture philosophique à Alexandrie avant de retourner à Constantinople. Elle y rencontre Macedonia, une danseuse devenue voyante qui a dans ses relations Justinien dont elle est un informateur. C'est ainsi que Théodora devient la maîtresse du futur empereur. Pour épouser Théodora, de 17 ans sa cadette, Justinien obtient de son oncle l'empereur Justin Ier l'abrogation d'une loi qui interdisait à un sénateur de se marier avec une courtisane.
Mariée en 523 à Justinien, elle devient impératrice lors du couronnement de son époux en 527. Elle conseille souvent Justinien, en particulier dans le domaine religieux, et sauve la situation en janvier 532 lors de la sédition Nika par une attitude courageuse et énergique - qui tranche avec celle de Justinien - préférant « mourir dans la pourpre » que de céder face à la populace. Avec l'aide de Narsès et de Bélisaire, la sédition est écrasée. Malgré ses origines, cette ancienne courtisane fait prendre à Justinien des mesures énergiques contre les propriétaires de maisons de tolérance, dépense de fortes sommes pour aider les prostituées, rachetant certaines d'entre elles et fonde une maison pour pécheresses repenties. Elle a une influence certaine sur les dispositions concernant les femmes du Code justinien : mesures de protection à l'égard des comédiennes et des courtisanes, loi contre la « traite des blanches », possibilités pour les épouses de demander le divorce.
Théodora est moins heureuse dans le choix de ses favoris et certaines de ses interventions sont pour le moins maladroites. Ainsi, après avoir couvert les débordements d'Antonine, la femme de Bélisaire, elle se brouille avec elle après avoir forcé sa fille Jeanne à se marier avec Anastase et fait rappeler Bélisaire d'Italie à un moment critique. Elle privilégie les hommes qui lui sont dévoués même s'ils sont incompétents. Elle marie sa nièce Sophie (en) au neveu de Justinien, le futur Justin. 

Si Théodora n'a pas exercé seule le pouvoir, elle partage avec Wu Zetian un itinéraire du "lupanar" au trône, une promotion sociale unique, une influence politique forte et une sens politique rare et remarquable.



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