Kashmir Princess

Zhou Enlai a-t-il la baraka?

Cette sombre affaire illustre la guerre sécrète que se sont livrées les deux Chine (Pékin et Taïwan) aux lendemains de la fin de la guerre civile. Crash aérien meurtrier qui a entraîné la destruction complète de l'avion surnommé Princesse Cachemire, l'opération a pris un éclairage particulier depuis la récente déclassification de documents chinois et américains.

Les faits d'abord. Ce 11 avril 1955 le vol d'Air India assurant la liaison Hong Kong-Bandung décole. L'appareil, un Lockheed L-749A Constellation part de Hong Kong à 16h 25 et doit atterrir en Indonésie à 21 h 25. Ils transporte à son bord 11 passagers et 8 membres d'équipage. Les voyageurs font partie d'une délégation de chinois et d'européens de l'Est partant assister à la conférence historique de Bandung qui doit sceller l'union des pays récemment décolonisés au sein du Tiers Monde. Elle se compose de trois membres du personnel de la délégation chinoise à la Conférence de Bandung d'un membre de la délégation du personnel de la République démocratique du Vietnam, de journalistes - cinq de la Chine, un de Pologne, et une d'Autriche- et de Raymond Wong, le directeur de la succursale de Hong Kong du journal Xinhua. Zhou Enlai, premier ministre de la Chine de Mao, brillant diplomate et cheville ouvrière du futur troisième bloc doit également monter à bord. A 18 heures l'avion est secoué par une explosion, le pilote tente de reprendre le contrôle, coupe l'un des quatre moteurs en feu avant de tenter un amerissage d'urgence près des îles Nantua aux larges des côtes indonésiennes. Mais l'importance des dégâts, la fumée et la dépressurisation rapide rendent la manoeuvre difficile. L'aile droite de l'avion heurte les flots provocant la dislocation de l'appareil en 3 morceaux. Les gardes côtes alertés ne repêcheront que trois survivants : le technicien d'entretien, le navigateur et le copilote. Les passagers et les cinq autres membres de l'équipage sont morts. Mais pas Zhou Enlai. En effet une urgence médiacale de dernière minute, une opération de l'appendice l'a retenu en Chine plus longtemps que prévu. ll a donc manqué le vol d'Air India et pris un autre vol qui ne fut pas de tout repos. Parti de Pékin le 7 avril,  il prend un vol d'Air India assurant la liaison Kunming-Rangoon le 14 avril mais n'arrive à Bandung que le 16 avril après avoir dû atterrir en urgence à Singapour à cause de violents orages.

un avion de la compagnie Air India du même modèle que celui détruit

L'enquête sur l'accident commence et elle progresse lentement. L'explosion se révèle vite être criminelle et la police offre 100 000 dollars hk à qui lui apporterait des informations. Très vite les soupçons de concentrent sur Chow Tse-ming un hong-kongais travaillant à l'aéroport de Hong Kong.   Peu discret il s'est vanté auprès de ses amis d'avoir piégé l'avion et a dépensé de grosse sommes d'argent dans les jours suivant l'explosion.  Mais la police ne peut mettre la main sur lui car il vient de fuir pour Taïwan et le gouvernement de l'île refuse de l'extrader. De leur côté les indonésiens ont réussi à identifier le détonateur utilisé dans l'attentat : un MK 7 américain. Pour les enquêteurs le mystère est dénoué. Chow a été recruté par les services sercrets taïwanais pour piéger l'avion de Zhou Enlai. La police de Hong Kong découvre d'ailleurs que les services de Chiang Kaï Chek ont infiltré par moins de 90 agents dans l'île. Les Chinois vont plus loin et accusent les américains d'avoir trempé dans l'attaque dans le but de saboter Bandung et la formation de la future Tricontinentale. Hypothèse que Kissinger démentira en 1971 lors du rapprochement sino-américain par cette phrase célèbre "Comme je l'ai dit au Premier ministre la dernière fois, il surestime largement la compétence de la CIA." Une déclaration que l'on peut croire car la tricontinentale n'existe pas encore en 1955. Ce sera bien après la conférence que la CIA tentera et réussira à éliminer certains des leaders du mouvements tiermondistes (Cabral, Guevarra). 

les débris

L'implication de Taïwan ne fait pas de doute et pour cause. Les communistes savaient tout de l'opération. Le 3 avril des espions à la solde de Pékin ont transmis à leur hiérarchie le plan de l'attentat contre l'avion. Le 10 avril les Chinois informent l'ambassadeur britannique et le directeur d'Air India. Ce dernier promet une inspection fouillée et une protection maximale de l'avion. Mais Zhou Enlai prudent change en secret d'itinéraire mais laisse le Cachemire Princesse suivre son plan de vol. Pourquoi ? l'annonce de l'attentat (déjoué ou non) aurait été un grand coup médiatique et aurait suscité une vague de sympathie. Ce qui n'a été qu'à moitié réalisé car l'enquête a progressé plus lentement de prévu et les suspects se sont échappés très vite..