les statues de Sun Yat Tsen : histoire par la photo
|
soldats japonais couvrant respectueusement une statue du Sun Yat Tsen avec le drapeau de la Chine nationaliste |
C'est une photo rare prise pendant les heures ombres de la guerre sino-japonaise. Des soldats marquant leur respect envers une statue de Sun Yat Tsen alors que dans le même temps ils mènent une guerre atroce et violence contre le régime créé par le docteur Sun. Ce paradoxe illustre en réalité la place étonnante occupée par le docteur Sun au Japon.
L'annonce de sa révolution victorieuse a suscité en effet une réaction timide voire froide du gouvernement impérial En effet si le Japon a accueilli et "protégé" les révolutionnaires en exil sur son territoire, il n'en reste pas moins toujours favorable à la cour des Qing. Solidarité dynastique d'une part mais aussi conséquences du crime de lèse majesté de 1910, la tentative d'assassinat contre Meiji qui se solda par l'arrestation d'une vingtaine de personnes et l'exécution de 12 d'entre elles. Okuma Shigenobu, premier ministre japonais en 1898 déclare ainsi en 1911 dans le mensuel Chûô Kôron :
"Sun ? que voulez-vous que je vous dise sur Sun ? de toutes façons les révolutionnaires, moi j'en ai assez? A l'évidence Sun est quelqu'un qui n'a rien d'extraordinaire".
De même le monde des affaires se montra timide à soutenir une révolution qui risquait de déstabiliser la Chine et de nuire aux affaires florissantes entre les deux pays.
Chez les intellectuels l'accueil est plus positif quoique partagé. Sun a le soutien large et inconditionnel de tous les partisans du pan-asiatisme : Miyazaki Toten, Yamada Yoshimasa, Kayana Nagamoto, Inukai Tsuyoshi (futur premier ministe). Le producteur Umeya Shokichi apporte un soutien fort à Sun : il le finance pendant 20 ans. Les deux hommes deviennent d'ailleurs amis, une amitié qui traversa le temps et les guerres. Quelques uns sont plus réservé non sur la personne mais sur l'avenir du mouvement. Dans leur journal de voyage intitulé Pari yori (De Paris) la
poétesse Yosano Akiko (1878-1942) et son époux Yosano Tekkan (1873-1935)
donnent une description de la ville de Shanghai telle qu’ils l’ont
découverte aussitôt après la révolution Xinhai. « L’armée
révolutionnaire a eu la chance de se constituer à un moment où, à
l’intérieur comme à l’extérieur, tout le monde en avait assez du
gouvernement de Pékin et il semble, chose tout à fait surprenante, que
ce soit elle qui prenne le dessus. Toutefois en termes de capacité à
s’affirmer, elle donne plutôt l’impression d’une bande d’agitateurs qui
cherchent surtout à faire du tapage, comme les étudiants de Kagoshima
durant la Révolte de Satsuma". L’écrivain Miyake Setsurei (1860-1945) a fait preuve de beaucoup plus de
retenue quand il a écrit ce qui suit dans la même revue : « Seul le
temps permettra de dire si, au bout du compte, Sun doit être considéré
comme un grand homme ou quelqu’un de tout à fait ordinaire »
En revanche l'accueil de la part de la population japonaise fut beaucoup plus enthousiaste. Nombre de citoyens ont pris parti pour la révolution, l'ont soutenu dans les mots et par les actes. La popularité de Sun n'a cessé de croître dans la population japonaise devenant l'incarnation du héros tragique persécuté, trahi, puis reconnu comme le Père de la Nation. Une reconnaissance qui explique ce geste étonnant de ces soldats japonais au coeur d'un conflit dont le souvenir empoisonne encore les relations sino-japonaises.
Commentaires
Enregistrer un commentaire