Cette simple photographie prise en mai 2013 a en quelques jours envenimé et les relations déjà tendues entre le Japon et la Corée du Sud. Elle a valu au premier ministre japonais Shinzo Abe d'attirer les critiques des médias sud-coréens au point d'éclipser Toru Hashimoto le très critiqué maire d'Osaka dont les propos sur les femmes de réconfort ("vitales à l'effort de guerre") ont profondément choqué.
Ce qui a provoqué ce tollé ce n'est pas de voir le premier ministre soutenir les forces aériennes japonaises et ainsi illustrer le réarmement japonais et les futurs débats sur la neutralité du pays, c'est le chiffre inscrit à côté du cockpit : 731. Pour les médias sud-coréens, ce chiffre est une provocation car il fait référence à l'unité 731. Cette unité créé en 1925 menait des recherches en armées bactériologiques. Après l'invasion de la Mandchourie, elle est implantée en 1936 à Pingfang près de Harbin remplaçant l'unité Togo. Sous la direction de Shiro Ishii, les scientifiques menèrent des expériences sur des prisonniers, des femmes, des enfants chinois, coréens, russes. Ces "maruta" bûches furent de véritables cobayes humains sur lesquels les équipes scientifiques testèrent les virus de la peste, du choléra, la maladie du charbon ou encore l'anthrax. Entre 3 000 et 10 000 personnes furent tuées dans des souffrances affreuses. Sans oublier les expériences faites sur la résistance au froide, les vivisections. 400 000 civils chinois moururent à cause des germes d'anthrax, choléra, charbon répandus par les membres de l'unité dans les villes et villages environnants. A noter que le Japon multiplia ce type d'unité tout au long de la guerre tout en lien avec l'unité 731 et travaillant sur les armes chimiques ou les applications d'armes bactériologiques sur la contamination de l'eau ou la destruction des troupeaux.
- unité 80, 543 et 2646 à Hailar
- unité 100 à Mokota,
- unité 200 en Mandchourie
- unité 516 à Qiqihar
- unité 773 à Songo
- unité 1644 à Nankin
- unité 1855 à Pékin
- unité 8604 à Canton
- unité 9420 à Singapour
Cette sinistre unité a oeuvré jusqu'en 1945 et l'arrivée des russes. Si quelques uns de ces membres furent arrêtés par les soviétiques et lourdement condamnés lors du procès de Khabarovsk, la majorité put regagner le Japon et fut laissée libre par les Américains en échange de leurs travaux. On comprend que le sujet est sensible même si ce sont des journaux japonais qui dès les années 70 révélèrent au grand public l'affaire.
La photographie, et c'est mon avis, relève d'une maladresse, d'un funeste concours de circonstance. Si Shinzo Abe a défendu des positions fermes que certains ont taxé de nationalistes face à la Chine et à la Corée du Sud, s'il a commis des maladresses en visitant le sanctuaire de Yasukuni et en ne présentant en août 2013 d'excuses claires envers l'Asie, c'est avant tout pour maintenir son alliance parlementaire, donner des gages aux conservateurs et aussi entrer dans une compétition verbale dangereuse avec Séoul et Pékin par rapport aux années sombres de la guerre. Alors qu'au début 2000, un travail sur la mémoire de la guerre s'était esquissé, la montée du nationalisme chinois et des compétition économiques a tout fait déraper laissant aux extrémistes des deux côtés plus de place qu'ils n'en occupent réellement. Signe tout de même que les gouvernements sont entrain de comprendre qu'il faut éviter de jouer avec le feu du nationalisme, Shizo Abe a annulé en octobe 2014 sa visite au sancturaire de Yasukuni;
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