Pourquoi Mao a remporté la guerre civile chinoise (et son corollaire pourquoi Jiang Jeshi fut vaincu) ? (partie deux)
C'est
une question qui hante l'histoire chinoise du XXè siècle. Comment les
communistes ont réussi à conquérir la Chine face à un adversaire plus
puissant, mieux armée et qui contrôlait les zones les plus développées.
L'histoire officielle chinoise nous répond d'une façon simple : Mao
était un génie visionnaire, son idéologie meilleure, le peuple acquis à
sa cause. Il faut néanmoins faire pièce aux thuriféraires du petit
timonier. La réalité est plus complexe et si ce sont les vainqueurs qui
réécrivent l'histoire, ce sont les historiens qui la révèlent qui à
écorner certains mythe. Tentative de réponse à cette énigme.
Epuisement
Contrairement à ce que tente de faire croire l'histoire officielle, ce sont les troupes de Jiang Jeshi qui ont supporté l'essentiel du poids de la guerre contre le Japon. Du côté communiste, une seule offensive majeure, celle des 100 régiments qui s'acheva désastreusement et essentiellement des actions de guérilla. Mao se garda bien de provoquer le Japon dont les troupes lui firent sentir très vite leur supériorité. A l'inverse les nationalistes subirent les coups les plus durs qui à chaque fois éliminèrent les meilleures troupes nationalistes. Ainsi Mao profita de la guerre contre le Japon pour fourbir ses armes, forger son armée convaincu qu'il était de la défaite finale du Japon. Il garda précieusement les armes fournies par les Alliés. De même côté nationaliste nombreux sont les officiers à avoir forcé Jiang Jeshi à faire la paix avec Mao dès 1945, épuisés qu'ils étaient par 8 années de guerre. Même si Jiang n'hésita pas dès 1945 à économiser les force pour se préparer à l'explication avec les communistes, il faut noter que ce sont ces derniers qui ont le mieux ménagé leur monture.
Trahison
Nombre
de cadres de l'armée nationaliste et communiste furent formés à
l'académie de Huangpu, financée avec l'aide de Moscou en 1924. Si Jiang
Jeshi dirigea l'école, Zhou Enlai était à la tête du département
politique. Beaucoup d'agents de Moscou infiltrèrent l'école et
intégrèrent l'armée nationaliste. Hu Tsung-Nan, tuteur du fils cadet de
Jiang Jeshi était un de ses agents dormants. C'est lui qui commanda les
troupes nationaliste qui prirent Yan'an la base de Mao mais c'est lui
qui épuisa ses troupes dans une traque inutile,laissant des régiments
tombés dans des embuscades, éloignant le gros de ses forces des zones
tenues par Mao. Il accumula les revers perdant plus de 100 000 hommes
dans la campagne et bon nombre d'armes américaines modernes. L'homme
était un agent rouge dormant mais si proche de Jiang Jeshi que celui-ci
refusa de voir l'évidence. Autre agent Wei Li-Huang général en chef des
troupes nationalistes de Mandchourie. Ses convictions communistes
étaient publiques puisqu'en 1938 il tenta d'adhérer au PCC. Pourquoi
Jiang le conserva ? pour faire plaisir aux américains et montrer que son
régime était libéral. L'erreur fut fatale car Wei désobéit
systématiquement à ses ordres qui lui ordonnaient de se replier du Nord
de la province vers le Sud. Ainsi les rouges purent en prenant la ville
de Jinzhou isoler les forces nationalistes de Mandchourie, les
encercler dans les villes du Nord et les éliminer. Réfugié à Hong Kong
il en verra cette dépêche à Mao à l'annonce de la victoire communiste
"je bondis à 10 000 pieds de haut comme un oiseau". Troisième cas, le
général Fu Tso Yi commandant en chef des 600 000 soldats de l'armée de
Chine du Nord stationnée entre Pékin et Tianjin. L'homme n'était pas
communiste mais sa fille et son entourage si. Ses qualité militaires
étaient certaines et il était devenu célèbre pour ses combats et les
victoires obtenues contre les Etats fantoches alliés du Japon. Mais il
avait perdu foi dans le régime et ne songeait qu'à se rendre. Conforté
par sa fille qui informait régulièrement Mao, il perdit pieds laissant
ses troupes encaisser les attaques de Mao qui s'empara des villes du
Nord avant d'accepter la capitulation et de livrer Pékin. Citons aussi
Liu Fei et Kuo Juo Jui, deux membres du Quartier Général. C'est au cours
de la campagne de Huai-Hai que ces deux officiers sabotèrent les dernières
chances de Jiang Jeshi. Ils placèrent délibérément les troupes
nationalistes sur la défensive, commirent d'énormes erreurs de jugement,
permettant aux communistes de percer les lignes défensives tout en
communicant les plans à Mao. Découvert Kuo fut simplement muté au
Sichuan où il livra ses troupes aux communistes. Ces trahisons portèrent
des coups terribles aux nationalistes. Ils perdirent non seulement
d'excellentes troupes (l'élite même en Mandchourie), un armement moderne
mais elles firent baisser le moral nationaliste tandis que Mao
s'affichait comme un stratège imbattable. Jiang Jeshi fit preuve d'un
manque de discernement flagrant privilégiant les flatteurs. A sa
décharge il faut reconnaître qu'il n'était pas facile de repérer les
taupes communistes et que l'oeil de Washington l'empêchait de mener des
purges efficaces comme le fit Mao. Mais en jugeant mal les hommes,
préférant les flatteurs et des familiers, il perdit en moins d'un an et
demi 3 campagnes qui donnèrent la Chine à Mao.
Corruption, faux amis et illusion
Le
manque de discernement de Jiang Jeshi fut criant lorsqu'il nomma son
beau frère T.V.Soong premier ministre dont la politique enrichit les
familes Soong et Kung (la famille du mari de la soeur aînée de Mme Jiang
Jeshi). En effet cet enrichissement se fit au détriment de la
population chinoise. En effet le premier ministre décréta que la monnaie
émise par le Mandchoukouo serait échangée hors de Mandchourie à 1 contre
200. Or cette monnaie avait cours dans toute la chine anciennement
occupée par le Japon qui comprenait les principales villes. De plus la
reprise en main de la Chine donna lieu à toutes sortes d'exactions
menées par les fonctionnaires qui dépouillèrent les riches, organisèrent
à leur profit le marché noir, organisant la pénurie. Les marchandises
américaines par exemple furent achetées par le gouvernement
nationalistes (ce qui engendra un fort déficit) mais leur revente fut
faite par le clan Kung et Soong. Les deux clans en profitèrent pour
échanger leur bénéfice en dollars pour un pactole de 300 millions de
dollars. Les triades de Shanghai dont celle de Due Yuesheng révélèrent
le pot aux roses. Leur malversation produisit une hyperinflation, des
pénuries et une thésaurisation, un mal endémique de la Chine qui
s'accéléra au vue de la dépréciation de la monnaie.
Au
sein même du parti nationaliste K.M.T, Mao trouva grâce à ses victoires une aide
inattendue. Par exemple Pai Chung Hsi ministre de la défense qui
chercha un accord avec Mao en lui promettant d'exécuter le moindre de ses
ordres. De nombreux cadres du K.M.T retournèrent leur veste ou
tentèrent de sauver les meubles. Ce fut le cas de Li Zongren rival de
Jiang Jeshi, vice-président puis président par intérim à la place de
Jiang Jeshi qui tenta de conclure un accord de partage de la Chine avec
Mao, accord illusoire mais Mao feint d'ouvrir des négociations pour
affaiblir encore ses ennemis. Il faut aussi citer l'aide morale apportée
à Mao par l'ensemble de l'opposition démocratique à Jiang Jeshi
incarnée par Song Qingling qui en 1949 se rapprocha de Mao et devint
communiste. Cette opposition crut à la fable d'un gouvernement
d'ouverture.
Pour découvrir ma 1ère partie, c'est ici
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