A redécouvrir

la seconde crise du détroit de Taïwan : le dragon maté par les griffes de l'aigle

 La première crise du détroit de Taïwan s'est achevée sur un succès partiel des communistes. L'affront de 1949 a été lavé par la conquête rapide mais couteuse des îles Dachen. Mais cette agression couplée à la guerre de Corée a contraint les Etats-Unis à s'impliquer directement dans la défense de Taïwan en déployant la 7è flotte et en signant un accord de défense de mutuelle. Jouant sur une stratégie de tensions indirectes, les deux Chine ennemies n'ont pas abdiqué pour l'une sa prétention à conquérir pour l'une Taïwan, pour l'autre de revenir reprendre le pouvoir en Chine continentale.

7è flotte en démonstration navale au large de Taïwan
Entre 1955 et 1958, des deux côtés, les armées multiplient les provocations. Chiang Kaï Chek (Jiang Jieshi) organise de nombreuses opérations commandons sur le littoral. Sur mer, les navires des deux flottes franchissent régulièrement les limites territoriales de leurs eaux. A Taïwan comme en Chine, des dizaines d'espions et de saboteurs (ou jugés comme tels) sont arrêtés. Exploitant les limites de l'alliance entre Taïwan et les Etats-Unis (qui exclue les îles Quemoy et Matsu du périmètre défensif) et forte de l'expérience de 1954 où les Etats-Unis ont entériné la prise des Dachen, la Chine décide d'engager les hostilités.

Le 23 août 1958 l'artillerie communiste bombarde Quémoy distante de quelques kilomètres. L'effet de surprise et l'avantage numérique provoquent des dégâts considérables dans le camps nationaliste dont les troupes sont très concentrées. Profitant de l'effet de surprise, la marine communiste tente d'attaquer les îles et est repoussée très facilement par les forces nationalistes modernes.  Ainsi le 2 septembre les navires nationalistes Mei Jian (LSM-349), Kinmen Wei Yuan (PCE-42), Liu Jiang (PC-123) et la corvette Tuo Jiang  sont attaqués par surprise par 7 cannonières et 6 vedettes lance-torpille. Les vaisseaux nationalistes en réchappent (le Tuo Jiang est sévèrement endommagé) mais détruisent plusieurs vaisseaux ennemis (2 vedettes d'après les communistes, 2 canonnières et entre 6-8 vedettes pour les nationalistes).  Le combat se limite dès lors à un échange violent d'artillerie pendant pendant 44 jours de suite. 500 000 obus sont ainsi tirés. Les pertes sont lourdes : le commandant adjoint de l'île de Kinmen est tué, la ville de Xiamen est bombardée. Les
F-86 équipé d'un sidewinder
américains livrent 12 canons à longue portée Howitzer et de nombreux obusiers de 155 mm qui  équilibrent les forces avant de donner l'avantage aux nationalistes. Dans les airs les forces aériennes communistes composées de MIG engagent les forces nationalistes volant sur des F-86 Sabre dotés du premier missile air-air AIM 9B Sidewinder. C'est l'hécatombe chez les rouges : 9 MIG sont abattus le 24 septembre 1954.  32 chasseurs nationalistes repoussent une centaine d'avions rouges. Sur plan humaine, l'attaque est un semi-échec : 2000 tués du côté nationaliste, 200 du côté rouge.

Mais la situation demeure fragile. L'isolement des troupes nationalistes est toujours possible. Mais cette fois-ci l'aigle américain qui n'est pas encore un tigre de papier montre les griffes. La 7è flotte effectue une démonstration de force dans les eaux du détroit tandis qu'Eisenhower contient  ses militaires qui lui conseillent des frappes nucléaires. La Chine ne va pas plus loin. En secret le 15 septembre 1958 Américains et Chinois se rencontrent à Varsovie pour discuter. Dans le détroit les accrochages diminuent en intensité à l'automne mais les incidents vont se poursuivre jusqu'à la normalisation des rapports sino-américain.




Le bilan de cette seconde crise est un semi-échec. Mao n'a rien gagné en apparence. Néanmoins en se lançant seul dans cette aventure il se démarque de plus en plus de l'URSS dont la modération l'encourage à se lancer dans la course à l'arme nucléaire. Cette volonté d'indépendance deviendra effective avec le lancement du Grand Bond en Avant.  Stratégiquement, elle illustre une voie chinoise faite de tensions ponctuées de conflits brefs et de moyennes intensité : ces stratagèmes fonctionneront encore contre l'Inde en 1962 mais montreront leur limite face à  l'URSS lors des conflits frontaliers de l'Amour et face au  Vietnam en 1979.

Commentaires