A redécouvrir

fish on land

Eloge de la simplicité



Un budget minimal, un sens esthétique, une histoire profonde, trois ingrédients de ce qui fait la sève du cinéma japonais. Réalisé par Yusuke Iseya,  un acteur célèbre à la carrière dense qui signe ici son second long métrage, Fish on land est  tiré du roman de Tomotaka Tsujichi. L’histoire ponctuée de flashbacks  et de passages oniriques est celle du souvenir d’une rencontre improbable qui a changé la vie du narrateur.  

Retour aux sources

Le narrateur âgé d’une quarantaine d’années a une vie professionnelle accomplie et une vie de famille stable. Pourtant un soir il décide de ne pas rentrer chez lui et de partir revoir une vieille bâtisse en ruine. Ce détour le ramène à l’été 1990 quand jeune étudiant ayant achevé ses études, il  enfourcha sa bicyclette pour un voyage à vélo. 

Renversé par une voiture, il est amené par le conducteur dans un bar/restaurant the House 475. Il va y rencontrer une fascinante patronne divorcée Shoko, un gestionnaire laconique, Sieji  et une galerie de personnages mystérieux dont la jeune Ritsuko. Il décide de prolonger son séjour en travaillant comme serveur temporaire.


Souvenir d'une vie mélancolique


Le film crée son propre univers en adoptant une construction alternant les retour en arrière et la longue immersion du jeune serveur. L’histoire c’est d’abord celle d’une initiation : le passage à l’âge adulte du narrateur qui découvre les blessures qui hantent les pensionnaires du restaurant. Le film alterne aussi  des moments très sensuels (autour de la patronne et de sa relation non assouvie avec Seiji), de réel bonheur marqué par l’ambiance rock et blues du petit groupe qui se produit dans le restaurant. Il dresse une très jolie galerie de personnages attachants qui vivent leur vie à un rythme lent. Il semble ne rien se passer et pourtant cette vie calme charme le narrateur affectueusement appelé le touriste. Il s’y plait, découvrant une liberté, une découverte des plaisirs simples, de vrais liens d’amitié. Dans ce bar-restaurant un autre temps semble s’écouler.

Et dans le même temps le film déroule une autre trame, beaucoup plus triste centrée sur les deux personnages qui aimantent l’attention du narrateur : Shoko et Seiji. La déconstruction de la narration permet de cacher d’abord la blessure profonde que porte la gérante. Divorcée certes mais surtout privée de son enfant. La troublante révélation apparaît dans le milieu du film, une scène abordée avec douceur, sans annonce. 


De même le personnage de Seiji, le poisson sur la terre confère au film un suspense considérable.  Son empathie avec autrui est telle qu’il fait corps avec la souffrance des autres être vivants. Il porte un poids terrible. Et des actes étranges comme la scène de l’animal mort prennent tout leur sens avec le temps. Son passé n’est révélé qu’au compte goutte et ce n’est que progressivement que le voile se lève au travers de la personne de la petite fille jouée merveilleusement par Ritsuko. La fin nous offre une scène forte, choquante peut être mais qui révèle l’impossibilité pour Seiji un bonheur durable. Et son histoire cachée nous arrache des larmes.

 Et pourtant malgré la mélancolie du film, le discours sur la douleur d’être parent, sur le deuil, il ne s’agit pas d’un film outrageusement noir. Au contraire filmé dans une région montagneuse et forestière, l’œuvre baigne dans une lumière magique. La photographie rend hommage à la beauté irréelle de la nature japonaise offrant quelques séquences très fortes sur la spiritualité nippone. Et le parcours initiatique du narrateur s’achève sur une note douce, sur une dernière scène simple et touchante.

Fish on land incarne la beauté du cinéma japonais. Une simplicité de la mise en forme au service d’histoire magnifiée par un montage intelligent .

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