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Park Kyung-won, Kwon Ki-ok, An Chang-nam : les ailes de l'espoir, les ailes de la discorde

Kwon Ki-Ok en 1935 en Chine
En 2005, le film Blue swallow a retracé une biographie de la femme pilote coréenne Park Kyung-won devenue dans les années 1930 la plus brillante femme pilote du Japon (à cette époque la Corée était sous domination japonaise). Le film, très beau, très intelligent a déclenché en Corée du Sud une énième polémique nationaliste sous le prétexte que Park, pilote civil, a été formé au Japon, pilotait des avions japonais et représente une page de l'histoire coréenne que certains politiques préfèrent instrumentaliser plutôt que de regarder en face. 3 destins de pilotes illustrent cette histoire tourmentée de la Corée.

Les "bons pilotes"
 An Chang-nam porte le titre de premier pilote de l'histoire de la Corée.  Né à Séoul en 1901,
il grandit dans la ville occupée par le Japon dès 1905. C'est assistant à une démonstration de voltige d'Art Smith le légendaire acrobate aérien des Etats-Unis qu'il décide d'apprendre à voler. C'est au japon à l'école Okuri qu'il obtient son diplôme puis son permis de pilote l'année suivante. Ses qualités lui font brûler les étapes et remarquer par les officiels japonais. Il peut ainsi en 1922 effectuer un vol triomphal pour retourner à Séoul. L'idylle pourtant ne dure pas. En 1923 suite au terrible séisme de Tokyo, des Coréens sont pris pour cible et brutalisés voire massacrés. Pour le jeune homme sensible aux thèmes nationalistes, c'est le point de non retour. Profitant de sa popularité il vole un avion et fuit en Chine où il s'engage dans les rangs du mouvements de l'indépendance coréen en exil. Il rejoint par la suite le seigneur de guerre Yan Xishan qui contrôlant la région de Taiyuan dans le Shanxi et dirige l'académie de pilote du Shanxi jusqu'à sa mort suite à un accident d'atterrissage en 1930. Il reçut à titre posthume l'ordre national coréen du mérite.
Kwon et les femmes de l'association patriotique
 Kwon Ki-Ok est l'alter ego féminin de AN. Né dans le Nord de la Corée de la Pyongyang en 1901, c'est encore une fois suite aux démonstrations du pilote Art Smith qu'elle décide de s'engager. Mais dès sa jeunesse elle est engagée dans la lutte contre la domination japonaise ce qui l'amène à purger 3 semaines de prison  puis à nouveau 6 mois pour aoir collecté des fonds pour l'association des femmes patriotes. Cet engagement lui fait prendre  le chemin de l'exil à à peine 20 ans. Elle gagne Nanjing en Chine où elle va améliorer son éducation en suivant les cours de l'école de femmes. Studieuse, elle achève le cursus en 2 ans au lieu de quatre et se fait remarquer par le gouvernement provisoire de Corée exilé à Shanghai. Elle intègre l'école de la force aérienne chinoise suite dans le Yunnan et sort diplômé.  En 1923, à la recommandation du Gouvernement provisoire de la République de Corée à Shanghai, elle est
Kwon lors de la guerre de Corée
entre dans l'École de la Force aérienne chinoise (une école à vocation militaire) dans le Yunnan, et devient la première femme diplômée. Elle intègre les forces aériennes nationalistes et finira la guerre avec le grade de lieutenant colonel. La fin de l'emprise japonaise sur la Corée lui permet de retourner en Corée où elle participe à la formation de la force aérienne de Corée d'être membre u ministère de la défense nationale pendant la guerre de 1950-1953 et d'être la vice-président de l'association culturelle Corée-Chine. Cette figure illustre reçoit en 1977 l'ordre national coréen du mérite. Elle s'est éteinte en 1988.

 Le parallèle entre ces deux pilotes est très fort. Un engagement nationaliste, la poursuite de la lutte contre le Japon. C'est la mémoire idéalisée. Néanmoins leur itinéraire aussi héroïque soit-il ne représente qu'une partie de l'histoire coréenne, un des trois voies suivies (avec la guérilla communiste et l'acceptation de la domination du Japon). C'est cette dernière voie qui est la plus sensible car il est vrai qu'à partir de 1931 cette acceptation rime avec lutte anti-communiste. Mais il ne faut pas plaquer les concepts occidentaux sur l'histoire coréenne. Si de nombreux officiers coréens ont rejoint les forces japonais c'est avant tout pour éviter la propagation des idées marxistes-léninistes. Si de vrais collaborateurs ont existé, nombreux sont ceux qui se sont soumis à l'envahisseur et se sont formés à son école. Entre deux maux ils ont préféré lutter contre leurs adversaires communistes pour ne pas les voir incarner la seule voix de la résistance.

La suite : Park ou l'hirondelle bleue

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