A redécouvrir

Girl

La dure vie de la femme

Femmes je vous aime

Une mère célibataire joue au base-ball avec son fils jusqu’à tard dans la nuit ; une jeune employée d’une boîte de communication reçoit de son petit ami un autocuiseur pour son anniversaire ; une architecte doit faire face à un collègue misogyne ; une chef d’équipe découvre un nouveau stagiaire. Girl dresse le tableau croisé de quatre femmes trentenaires, amies. Le film est ce à quoi aurait dû ressembler les long métrages basés sur la série Sex and The City (qui se sont vautrés dans des amourettes niaises et des love story bling bling et soporifiques trahissant l’esprit de la série.)



Portraits de femmes

Girl vaut d’abord pour sa merveilleuse série de portaits féminins. Une mère célibataire, une femme mariée sans enfants, une trentenaire à l’âme de jeune fille et une déçue des hommes. Chacune offre une variation sur l’incroyable pression sociale qui s’abat sur la femme japonaise mais sur le ton de la comédie. Libre, autonome financièrement, elle doit lutter contre le machisme des homme, situation magistralement interprétée par Kumiko Aso.  Elle doit aussi performer dans sa vie sentimentale : mère et surtout épouse. 

Le film tire à boulet rouge sur l’institution du mariage, rite obligatoire, épée de Damoclès pour toute femme qui dépasse les 30 ans. Entre les soirées de rencontre entre célibataires, l’imagerie fantasmée du mariage, la reconnaissance sociale et l’envers du décor, le mythe est ici dévoilé avec finesse. Dans la même veine, le film nous offre un moment de pur bonheur (rappelant les sketchs de Florence Foresti) sur les joies d’être maman : une jeune mère en apparence heureuse qui très vite avertit ses amis sans enfants (gardez votre liberté !).  

Une comédie grinçante

De même le film moque à merveille les deux sexes. D’abord les fashions victims que sont les jeunes filles de Tokyo, cette quête de consommation infinie symbolisée par la jeune communicante et son désarroi permanent à découvrir que ses tenues « exclusives » sont toujours portées par une autre (scène du restaurant). Ensuite les psychorigides qui sous la pression des hommes nient leur féminité (la responsable du magasin). 

Enfin et c’est une des parties les plus drôles du film, les luttes entre les employées pour conquérir le jeune stagiaire, leurs stratégies pour l’attirer et la psychose qui s’empare de la chef quand elle craint de leur voir lui glisser entre les doigts (ah ces boucles d’oreille).... Les hommes aussi en prennent pour leur grade. Manque de psychologie, manque de communication, difficulté à laisser la place aux femmes.


Au service d'une histoire profonde

Le film est pourtant plus profond. Derrière la farce il pointe du doigt les tensions de la société japonaise. Le statut de la mère célibataire est magistralement interprété. Courant toute la journée, jonglant entre ses horaires démentiels, les heures de garde, elle tente de compenser le manque. Le cinéaste offre d’ailleurs de magnifiques scènes où cette cadre sup s’essaie à la gymnastique ou au base-ball pour pouvoir l’apprendre à son fils. De même l’écart d’âge est au cœur de la relation entre la chef d’équipe et son stagiaire : une situation encore mal vue par la société japonaise. 

Plus intéressante est la relation entre l’architecte travaillant dans une grand boîte et son époux. Celui-ci gagne moins qu’elle chose rare même dans le Japon contemporain où l’homme doit théoriquement subvenir aux besoins de son foyer. D’ailleurs cette relation déséquilibrée explique les tensions dans son travail et braque le projecteur sur le statut très particulier de l’homme japonais : soumis à une forte pression au travail où il doit donner le meilleur et ne jamais perdre la face, il doit aussi être le garant du modèle paternaliste. D’où la relation quasi nucléaire sur le lieu de travail quand arrive une collègue compétente.

Servie par un casting excellent et une réalisation parfaite

Cette comédie de mœurs riche sur le fond profite d’une réalisation exemplaire. Excellente variation de rythme entre les moments de pure folie de la communicante, les scènes intimistes de la jeune mère célibataire. De même le montage est très pointu (scène de la pièce par exemple) et ajoute à la qualité de l’ensemble. Très classieuse, la réalisation magnifie les finesses et les différents de lecture du scénario jouant avant les attentes du spectateur, multipliant les ruptures de ton. 

 N’oublions l’interprétation de toutes ces femmes sans fausses notes, justes, sans excès. Elles sont toutes extraordinaires non seulement pour le capacité à jouer la comédie mais aussi par le manière de faire passer énormément de sentiments, de tendresse. Grâce à au scénario qui évite les raccourcis et les amourettes faciles (avec les ouvriers, avec son concurrent...), les actrices et acteurs livre une partition toute en fraîcheur et en pertinence.

Drôle, impertinent, Girl est un hymne à la femme dont « la vie est faite de soustractions tandis que celle  d’un homme d’additions ».


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