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le monstre aux 21 visages : chantage au pays du soleil levant

C'est une affaire criminelle étonnante et mystérieuse qui a agité le Japon du milieu des années 1980. Une série de chantages étranges dont le commanditaire n'a jamais été retrouvé et qui est devenu emblématique des pratiques sombres du monde des affaires et a inspiré le monde de la fiction. Encore un mot sur le nom donné au maître chanteur : l'homme aux 21 visages, le fantôme aux 21 visages. Il est inspiré par les romans policiers d'Edogawa Rampo, célèbre écrivain nippon.

L'affaire du monstre part d'un chantage à l'encontre d'une firme agro-alimentaire Glico. Cette firme est déjà au centre de l'intérêt médiatique depuis l'enlèvement et l'évasion de son président Katsuhisa Ezaki. Le mystérieux monstre aux 21 visages annonce dans une lettre du 10 mai 1984 avoir mis du cyanure de potassium, un poison incolore provocant l'arrêt du coeur, dans les bonbons produits par  la firme et menace de les déposer dans plusieurs magasins. Une seconde lettre est envoyée aux journaux dans laquelle il nargue la police : " Chers policiers stupides. Ne mentez pas. Tous les crimes commencent avec un mensonge, comme nous disons au Japon. Ne le savez-vous pas ?". Une troisième est adressée à la police elle-même : "Pourquoi ne pas le garder pour vous ? Vous semblez être perdus. Alors pourquoi ne pas nous laisser vous aider ? Nous vous donnerons une piste. Nous sommes entrés dans l'usine par la porte principale. La machine à écrire que nous avons utilisé est une PAN-writer. Le récipient en plastique que nous avons utilisé est un déchet trouvé dans la rue. signé le Monstre aux 21 visages". Face à la menace les produits menacés sont retirés de la vente et malgré les recherches aucun bonbon empoisonné n'est retrouvé. Pour l'entreprise le bilan est lourd : un perte de 21 millions de dollars. Coup de théâtre, le 16 juin, le maître chanteur annonce avoir pardonné à la firme. A-t-il été payé ?...
publicité Glico à Osaka
Mais cela ne signifie pas la fin de ses menaces. Dans le même courrier, il cible désormais le fabricant de bonbons Morinaga et deux firmes de l'alimentaire : Marudai Ham et House Food Corporation. Pour accentuer la psychose, il s'adresse en octobre aux  "Mamans de la Nations"  dans une lettre envoyée aux journaux d'Osaka : 20 paquets de bonbons empoisonnés au cyanure de sodium ont été dispersés. Et à la différence de la première menace, la police trouve à Tokyo plusieurs parquets de choco Balls et Angel Pie empoisonnés sur lequel figurait le message "danger, contient des toxines". L'année suivant en février 1985, d'autres paquets suspects sont retrouvés. Le 28 juin 1984, l'entreprise Marudai Ham accepte de verser 50 millions de yens (500 000 euros actuels) en échange de l'arrêt des menaces. En réalité en accord avec la police, elle tente d'appréhender le criminel mais celui-ci leur échappe. Seule avancée, l'homme qui a récupéré l'argent est aperçu et décrit comme un homme aux yeux de renard. Une seconde fois, lors de la remise de la rançon payée par la house food corporation, l'homme est aperçu mais glisse entre les doigts de la police. Pour cette dernière, l'humiliation est énorme au point que le commissaire Yamamoto  de la préfecture Shiga se suicide par immolation le 7 août 1985.  5 jours plus tard le maître chanteur adresse cette dernière lettre :

« Yamamoto de la police de la préfecture de Shiga est mort. C'est stupide ! Nous n'avons pas d'amis ou de cachette à Shiga. C'est Yoshino ou Shikata qui auraient dû mourir. Qu'est-ce qu'ils ont fait pendant un an et cinq mois ? Ne laissez pas les méchants comme nous s'en sortir impunément. Il y a beaucoup d'idiots qui veulent nous copier. Le sans-carrière Yamamoto est mort en homme. Donc nous avons décidé de présenter nos condoléances. Nous avons décidé d'arrêter de torturer les entreprises alimentaires. Si quelqu'un fait chanter une entreprise alimentaire, ce ne sera pas nous mais quelqu'un qui nous copie. Nous sommes les méchants. Ça veut dire que nous avons d'autres choses à faire que d'intimider des entreprises. Il est amusant de mener une vie de méchant.
Le Monstre aux 21 visages. »

Aussi vite qu'il est apparu, le monstre aux 21 visages s'évapore. La piste mafieuse (yakusas) est privilégiés et l'un de ses membres Manabu Miyazaki a le profil. Il se décrit comme un "yakuza freelance". Il est né à Kyoto, au Japon; son père était un patron de yakuza dans Fushimi-ku, Kyoto et sa mère venait d'une famille de yakuza Osaka. En Septembre 1986, il a été presque tué dans une fusillade de yakuzas dans un restaurant de Kyoto. Proche des milieux politiques de gauche dans les années 1960, il replonge dans le crime et est en charge des activités de démolition permettant aux yakusas de blanchir leur argent sans oublier le racket et l'extorsion de fonds, la base des activités du crime organisé.. L'homme est en plus un écrivain reconnu dont l'autobiographie sera vendue à plus de 600 000 exemplaires.  Un certain sens littéraire, de l'humour, ceci correspond au profil psychologique du monstre aux 21 visages. Physiquement ressemblant à l'homme aux yeux de renard, il est inquiété par la police mais laissé libre grâce à ses alibis.... Pourtant la piste était sérieuse. Car toute l'affaire ressemble aux pratiques d'extorsions de fonds menées par la yakusas. 
 Depuis cette date, le monstre n'a plus fait parler de lui. Résultat en 1995, l'enlèvement du président de glico devient prescrit et en 2000 celle des empoisonnements. Le dossier est refermé. L'influence culturelle de cette affaire n'a pourtant pas disparu. Le monstre aux 21 visages a ainsi inspiré le personnage du laughing man, le "rieur", ce pirate, maître chanteur, de la série Ghost In the Shell, Stand Alone Complex, Saison 1.  

A lire la suite : le sokaiya 

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