C'est une des pages méconnues de la fin de la seconde guerre mondiale. Parmi les villes choisies pour être la cible des bombardements atomiques figurait Kyoto, la Florence du Japon, la ville aux mille temples. Cela semble curieux avec le recul mais les pays que ce soit les Alliés ou les puissances de l'Axe ont frappé avec une même violence les cités et peu importe leur patrimoine historiques : Changsha, Dresde, Varsovie, Cracovie, Nagasaki ont été rayées de la carte. Paris a échappé de peu au même sort de même que Prague ou Moscou. Pour le cas de Kyoto, nous touchons là à un cas d'école car malgré la violence absolue, les alliés ont toujours tenté d'épargner les hautes cités historiques, du moins autant que le pouvait la précision rudimentaire de leurs appareils de visée, dans le but de ne pas hypothéquer une éventuelle reconstruction démocratique. Alors pourquoi kyoto est-elle restée si longtemps restée en tête des cibles ?
Inutile de revenir sur la genèse du projet Manhattan. Les causes qui amènent le président Truman à décider l'emploi de la bombe sont encore difficiles à cerner. On peut évacuer l'envie de satisfaire au besoin de vengeance de sa population (les bombardements nocturnes de Tokyo ont déjà emporté près de 100 000 vies civiles). Les difficultés de l'opération Downfall, le futur débarquement du Japon sont plus réelles et ont été révélées par la conquête sanglante d'Iwo Jima (7 000 marines tués, 20 000 blessés) et d'Okinawa (20 000 marines tués, 50 000 blessés), l'apparition des Kamikaze et le fanatisme d'une partie de l'armée. Les raisons sont pourtant à chercher dans l'Après guerre à venir : l'arme nucléaire doit dissuader dans le futur tout nouvel agresseur, c'est à dire les russes ; il faut vaincre le Japon avant l'arrivée des Russes. Et n'oublions pas que des sommes faramineuses ont été investies dans le projet.... il faut donc faire un test. Le débat qui anime dès lors les officiers américains concernent la nature de ce test. Certains étaient favorables d'avertir le Japon de l'utilisation de la bombe, d'autres autour du physicien nucléaire hongrois Telle de faire détoner les bombes sur des rochers ou en baies de Tokyo pour minimiser les victimes, d'autres de lancer des attaques de nuit. Ces hypothèses furent balayées au motif qu'il fallait à la fois une attaque en plein jour pour mesurer l'impact de la bombe et une attaque sur une cible d'importance relativement épargnée par les bombardements classique pour frapper les esprits japonais. 5 cibles furent ainsi désignées (Tokyo et le palais impérial furent retirés à cause des objectifs de reconstruction après guerre).
- Kyoto : ville berceau de dynastie impériale
- Hiroshima : important port militaire.
- Yokohama : important port et zone industrielle
- Kokura : arsenal
- Niiagata : important centre industriel
Kyoto a la faveur des aviateurs et militaires comme Leslie Richard Groves dont les
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H.L Stimson |
témoins s'accordent sur le fait qu'il ne brillait guère par son intelligence et sa modération. En effet la ville est non seulement le berceau du régime impérial, a été peu touchée par les bombardements conventionnels et offre un site en colline qui permet d'amplifier l'impact. Pourtant cette cité va être miraculeusement retirée de la liste et remplacée par le port de Nagasaki grâce à l'action de trois hommes, Henry Lewis Stimson secrétaire d'Etat à la guerre et à Serge Elisseeff-Edwin O. Reischauer (élève de Serge Elisseef et futur ambassadeur des Etats-Unis au Japon) des professeurs de langue et culture orientales. Sur ce point il faut ici évoquer une controverse née des écrits du journaliste Robert Jungk. Ce seraient ces universitaires qui par leur intervention auprès de la Maison Blanche aurait fait pencher la balance. Or dans sa biographie, O. Reischauer déclare : " 'aurais probablement fait ça si j'en avais eu
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O Reischauer |
l'occasion, mais ce
récit ne contient pas une once de vérité. Comme il a déjà été amplement
prouvé par mon ami Otis Cary de Doshisha à Kyoto, la seule personne qui
mérite les honneurs pour avoir sauvé Kyoto de la destruction est Henry
L. Stimson, le secrétaire à la Guerre de l'époque, qui avait connu et
admiré Kyoto depuis sa lune de miel plus de trois décennies
auparavant". S'il faut certes modérer le rôle direct joué par ces universitaires et malgré la modestie du futur ambassadeur, il est clair que leur influence fut importante auprès du secrétaire d'Etat à la guerre en montrant qu'une destruction du berceau culturel du japonais hypothèquerait une future réconciliation avec le Japon. Face à des excités comme Groves ou Curtis Lemay, leur argumentaire a confirmé le point de vue du ministre de la guerre qui comme le montrer cette citation tirée de ces mémoires était convaincu de l'utilité de la bombe.
the atomic bomb "the most
terrible weapon ever known in human history" opened up "the
opportunity to bring the world into a pattern in which the peace of the
world and our civilization can be saved".
Cette défense de Kyoto rappelle ainsi l'extrême clémence à l'encontre d'Hiro Hito dans le but de préserver les bases de la société d'après guerre et de préparer la confrontation avec le communisme.
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