Retour sur le coup de tonnerre de 2012 en Chine : la condamnation de Bo Xilai, l'homme fort de Chongqing (plus grande ville du pays), chantre de la lutte anti-corruption et le promoteur du néo maoïsme. Une affaire complexe qui met en lumière les rouages de la politique chinoise, les luttes entre faction et le grand écart permanent entre l'idéal socialiste et la triste réalité d'un capitalisme sauvage.
Depuis décembre 2007, Bo Xilai, surnommé le « JFK chinois »,
régnait sur la ville province de Chongqing, 40 millions d’habitants
l’une des plus importantes mégalopoles chinoises. Son père Bo Yibo est
l’une des figures emblématiques du parti, l’un des « huit immortels »,
un proche de Mao devenu ce que les Chinois de la rue appelaient les
« Vieux dirigeants » et dont les enfants sont désignés comme les
« princes rouges ». En tant que Secrétaire du Parti de Chongqinq, Bo Xilai fait revivre « l'idéal révolutionnaire » de Mao Zedong en engageant une campagne de propagande avec des slogans et des « chants rouges » patriotiques. Avec Wang Lijun, un policier qu'il a connu lorsqu'il était gouverneur du Liaonning, il lance une campagne en 2008 contre les gangs et la corruption. Wang devient chef de la police de Chongqing et mène des opération spectaculaires : 1544 suspects arrêtés, 6000 cadres, fonctionnaires, hommes d'affaires poursuivis. Bo Xilai connaît une énorme notoriété tandis que Wang Lijun entre au congrès national du peuple et devient le héros d'un série télévisée et devient vice-maire de Chongqing.
La faille
C'est par la femme de Bo Xilai que commence à se fissurer la stature de Bo. En effet son épouse Gu Kailai est accusée du meurtre de Neil Heywood le 14 novembre 2011, un homme d'affaire britannique qui fut très proche de la famille de Bo. Il servait d'intermédiaire. Heywood semble avoir joué le rôle de « bai shoutao » ou homme de main
pour le compte de la famille Bo, conduisant des affaires pour leur
compte, puisqu'en tant que famille éminente au sein du parti, il leur
était difficile de s'impliquer dans des affaires financières. Des hommes
d'affaires se plaignirent du fait qu'une société étrangère souhaitant
travailler à Chongqing soit contrainte de contacter la société d'avocat de Gu Kailai
afin qu'elle agisse pour leur compte et obtienne les licences et
permissions nécessaires. Il est admis que cette société d'avocat, Kailai
Law (aujourd'hui Beijing Ang-Dao Law) ait pratiqué pour cela des
honoraires exorbitants. Les mobiles de cet assassinat sont encore flous et si elle a reconnu les faits, Gu Kailai n'en a pas éclairci les causes. Devenait-il trop gourmand ou s'agissait-il de faire taire un témoin gênant pour l'ascension de Bo. Or le 2 février 2012 Wang Lijun tombe en disgrâce auprès de Bo qui le rétrograde au poste de superviseur de l'éducation municipale, la science et les affaires environnementales à cause d'une affaire de corruption. D'après les rares témoignages, Wang aurait demandé la clémence de la commission en échange d'informations sur la corruption de Bo et sur la mort. Bo Xilai décide de faire pression sur Wang en ordonnant
l'arrestation de plusieurs de ses alliés et associés proches de Wang. Celui-ci prend peur et se rend le 6 février au consulat américain à Chengdu où il fait une déclaration fracassante concernant la mort de Neil Heywood empoisonné par la femme de Bo et sur l'ampleur de la corruption de son ancien chef.
La Chute
Ces informations relayées auprès des instances chinoises conduisent en deux semaines au limogeage de Bo et à l'ouverture d'une enquête sur la mort du diplomate anglais qui conclut sur la présence d'une forte dose de poison dans son corps. Gu Kailai est condamnée à la peine de mort avec sursis pour avoir commandité l’assassinat de l' homme d’affaires britannique, le 20 août 2012. Un an plus tard s'ouvre le procès pour corruption, détournement de fond et abus de pouvoir de son époux. Le verdict est rendu public le 22 septembre 2013, Bo Xilai est
condamné à la prison à vie, ses droits politiques sont supprimés et ses
biens sont saisis. Bo Xilai refuse cette condamnation et a interjeté en appel. La justice a accepté d'étudier l'appel du condamné puis le 25 octobre 2013, le tribunal rejette la demande de Bo Xilai et confirme la condamnation. Bo purge sa peine dans la prison de Qincheng, une installation réservée aux « élites » et disposant d'un grand confort. Son ex bras droit Wang écope lui d'une peine de 15 ans de prison.
Lutte au sommet
Bo était l'un des prétendants à un siège au sein du Comité permanent du
Politburo, qui devait être renouvelé fin 2012, le cœur du pouvoir chinois,
fort de seulement neuf membres (aujourd'hui 7). Décrit aussi comme arriviste et
démagogue, celui qui se livrait à une offensive de charme auprès de
toutes le élites chinoises depuis plusieurs années, fut élu homme de l’année
2010 par Le Quotidien du peuple. Ambitieux il lorgnait sur le poste président dont la nomination est effectuée par les membres du comité permanent.
Or une guerre sourde agite les hautes sphères du pouvoirs. Xi Jinping, le
p numéro 1 chinois actuel avait de profonds différents
idéologiques avec Bo Xilai, dont les ambitions, la personnalité
turbulente et ses relents maoïstes commençaient à le gêner. En effet, en politique habile, Bo Xilai lançait en 2009 une campagne de
« revival maoïste » sur Internet avec apprentissage des citations et
chants révolutionnaires du Grand Timonier et remise au goût du jour de
toute la « culture rouge » qui le rangeront dans la catégorie des
néomaoïstes. Pas du goût des réformateurs qui voyaient déjà resurgir le
spectre d’une nouvelle révolution culturelle. Cette lutte met en évidence une lutte
de pouvoir entre la faction de Bo Xilai à Chongqing et le groupe de Hu
Jintao, l'éternel combat des princes rouges (les héritiers) contre la
Ligue de la Jeunesse Communiste, qui contrôle actuellement l'essentiel
du pouvoir. Contraints de concéder la partie visible du pouvoir ils
entendent bien continuer à jouer de leur influence, leurs réseaux, pour
continuer à tirer les ficelles.
Et les rumeurs de coup d'état ? " Bo Xilai était sur le point de tenter un « coup d’Etat » avec l’aide
de l’un des 9 immortels du Comité permanent, visant à écarter rien de
moins que le prochain N°1. Ceci à la veille du voyage du même Xi Jinping
aux Etats-Unis" Voici ce que Wang Lijun déclare aux agents chinois et d'expliquer que sa fuiteau consulat américain n'était pas une défection mais une volonté de se mettre à l'abri de con patron. Une histoire très suspecte mais qui devient un alibi tout trouver pour provoquer la chute de l’envahissant prince de Chongqing.
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