Les deux Corée au cinéma (épisode I)
Le conflit entre les deux Corée offre un sujet presque inépuisable au cinéma sud-coréen. La production est si riche et variée qu'il faudrait une encyclopédie pour analyser en détails l'ensemble de la production. Attachons-nous à un film encore inédit en Europe qui a renouvelé un thème que l'on pensait saturé.
Une intrigue captivante
Qu'est-ce que The Berlin File de Ryoo Seung-Wan sortie en 2013. Le scénario en résumé : Pyo est un redoutable agent nord-coréen célèbre par sa capacité à infiltrer. A la suite d'une affaire de trafic d'armée qui tourne mal il se trouve avec sa femme suspecté de trahison par ses compatriotes et recherché par les agents sud-coréens. Film ambitieux, tortueux, c'est une réussite à tous les points de vue.
D'abord comme dans toutes les productions asiatiques, il y a le scénario. Le cinéaste raffole de ces histoires où pullulent les intrigues, les coups tordus et les personnages (voir The Unjust). Le thème du film l'espionnage lui permet d'aller très loin dans les méandres de l'espionnage. Et à la différence des productions hollywoodiens, le spectateur est pris pour quelqu'un d'intelligent donc on ne lui simplifie l'histoire. Il faut suivre l'histoire et voir progressivement le brouillard se lever. C'est très fort car si le public est souvent perdu il n'est jamais lâché.
Car le film est très bien rythmé et profite d'une multitude d'intrigues secondaires qui enrichissent la première. A travers cette nébuleuse histoire d’espionnage et contre-espionnage à
l’échelle planétaire (la première séquence fait intervenir les forces
nord-coréennes, sud-coréennes, américaines et le Mossad !), le cinéaste
s’interroge sur la portée politique de ces organisations de l’ombre, à
haute teneur nationalistes, destinées à confondre le voisin en furetant
dans ses propres galeries. Quelle morale, quel but, quelle sécurité ? et cette résonance est d'autant plus forte que le réalisateur profite de ces accents internationaux pour éclairer davantage le conflit entre les deux Corée. Et au lieu de s'en tenir au simple affrontement entre les deux Etats, il s'intéresse aux lutte internes, ici à l'intérieur de la Corée du Nord et d'égratigner la vertu des dirigeants du royaume des travailleurs très sensibles aux sirènes du capitalisme. Ce qui est admirable c'est que cette volonté de brouiller les pistes rend le film unique : une irrésistible envie d'aller jusqu'au bout et le final est une réussite.
Une mise en scène implacable
Très bon sur le fond, le film est excellent sur la forme. Ryoo Seug Wan est un cinéphile et son film est un hommage au film d'espionnage occidental des années 1970 (d'où la travail sur la photographie vintage), au film d'action hong-kongais et à la série des Jason Bourne. Le tout enveloppé dans sa propre sensibilité qui transparaît dans les scènes d'action (désarmement de flingues !!) et dans les scènes de confrontation entre l'agent et ses maîtres. Le film alterne pendant deux heures scènes d'actions hyper efficace et lisible et scènes d'enquête. La gestion du rythme profite d'un montage exemplaire.
Et le choix de placer l'intrigue à Berlin est une formidable idée. Ville polyglotte, ville mémoire, ville en changement, c'est le cadre idéal pour placer ses questionnements sur les failles d'un régime et les limites des jeux d'espionnage. La ville sert en partie d'écrin, de terrain de jeu mais comme dans la série des Jason Bourne elle devient elle même un élément d'intrigue dans ce grand jeu planétaire. Et à nouveau il faut noter qu'il y a un traitement visuel remarquable des paysages, un énorme respect.
Prometteur sur la papier, le visionnage de The Berlin File révèle une vraie pépite d'un cinéma d'action et intelligent.
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