La Chinafrique a fait son entrée dans notre dictionnaire géostratégique depuis une dizaine d'années. Jadis pré carré des intérêts occidentaux, le continent noir est devenu le terrain d'une féroce compétition avec les pays émergents, Chine en tête, Inde depuis peu. Forte de sa tradition tiers-mondisme, non suspecte de visée coloniale, la Chine est devenue un concurrent majeur pour les Européens. La croissance chinoise nécessite des approvisionnement réguliers et sûrs en hydrocarbures, bois, minerais et même terres agricoles, riches dont le continent africain déborde. Appliquant à la lettre la stratégie commerciale définie par les instances suprêmes, les diplomates chinois achètent à prix d'or ces ressources, raflent de multiples contrats de construction d'infrastructures, de reconstructions de pays dévastés par des décennies de guerre civiles ou d'aménagement économique ajoutant à leur sens des affaires une non ingérence politique utile en Afrique de l'Est.
Or ce n'est pas la première fois que des Chinois développent des accords commerciaux avec ce continent. Retour il y a 600 dans les cales de la flotte des trésors de l'amiral Zheng He. Ce dernier est déjà une histoire à lui tout seul. Hui, c'est à dire issus de cette minorité chinoise musulmane du Sud Ouest, il fut capturé par les armées chinoises lors de la conquête de la province. Il n' a que 13 ans et comme le veut l'habitude en tant que fils de chefs militaires ennemis, il est castré et envoyé comme eunuque auprès de cour impériale, un privilège à l'époque !!! Il devient proche de l'empereur Yongle qui ambitionne d'étendre les frontières de la Chine vers le Nord (il déplace la capitale de Nankin à Pékin) mais aussi vers le Sud et sur les océans. Zheng He est nommé amiral et entreprend 7 voyages entre 1405 et 1433.
L'entreprise navale dépasse les grandes expéditions navales des portugais et des espagnols à la même période. Les flottes appelées flotte trésor comptent à leurs apogées 70 navires servis par 30 000 hommes d'équipage dont un rapporteur
des finances, 1 géographe, 1 instructeur et deux juges militaires, 180
officiers médecins et leurs assistants, 2
ordonnances, 7 eunuques ambassadeurs, 10 jeunes eunuques, 53 eunuques
Chambellans. Les jonques peuvent mesurer d'après les ancres trouvées au fond de l'océan jusqu'à 135 mètres de long pour 60 de larges, soit 4 Fois plus longues et 7 fois plus larges que les caravelles de Colomb. Chiffre exagéré par les sources et la chercheurs, en moyenne les vaisseaux sont au moins deux fois plus grands que les navires européens. Ils sont aussi supérieurement armés avec de 16 à 30 canons servant plus à effrayer qu'à couler ce qui leur permet d'éliminer en route quelques chefs pirates récalcitrants. Faite en Tek, l'intérieur des jonques adopte la structure de cloisons étanches. La carène
étroite et la proue pointue permettent au bateau d'avancer contre les
vagues et d'immerger une bonne profondeur dans l'eau, le rendant ainsi
sûr, stable et confortable. C'est le bateau de mer le plus perfectionné
en vigueur sur les routes des Mers du Sud et de l' "Océan de l'Ouest"
ainsi que le plus gros voilier en bois dans l'antiquité. Ces énormes flottes disposent en outre de navire spécialisé, dans le transport d'animaux mais surtout dans le ravitaillement : deux types de jonques servaient l'une à stocker l'eau douce et l' autre à faire pousser du soja apportant aux équipages la vitamine C dont la carence provoque des épidémies redoutables comme le scorbut.
Sans équivalentes en Asie et même dans le monde, ces flottes vont effectuer 7 voyages en Asie du Sud-Est, dans l'Océan Indien, dans le Golfe persique et jusqu'en Afrique de l'Est. Le 4è voyage de 1413 à 1415 ; le 5è de 1416 à 1419 et le 6è de 1421 à 1422 et le 7è de 1430 à 1433 aborderont les côtes d'Afrique de l'Est : Somalie, Kenya. Aidés par des pilotes locaux la flotte put remonter loin vers le Nord, jusqu'à Ormuz et jusqu'en Egypte. C'est ainsi que Zheng He rapportera de la ville de Malindi au Kenya une girafe que les Chinois associeront au Qilin créature mythologique. Des zèbres, dromadaires, autruches, de l'ivoire, seront rapportés en échange de porcelaine, soie et or chinois. On rapporte aussi que sur l'île Lamu au large du Kenya furent recueillis une vingtaine de naufragés chinois qui s'y installèrent et se marièrent. Cette légende fut récemment corroborées par des analyse ADN. Sur cette même île furent retrouvées des céramiques de la période Tang vraisemblablement apportées par la flotte de Zheng He. Le sultan de Malindi décida en 1414 ouvrir des relations diplomatiques avec la Chine.
Prouesse technique, les voyages renforcèrent le contrôle commercial sur la Mer de Chine sans devenir une opération de conquête. Nombres de sultans locaux impressionnés par les vaisseaux chinois choisirent de coopérer et d'entamer des relations commerciales. Pourtant le souvenir de ces expédition a été oublié. Pourquoi ? En 1479 le 6è empereur Ming décide de l'arrêt des expéditions trop coûteuses et de la fermeture de la Chine. Les flottes sont démantelées et vont pourrir dans les arsenaux, les documents relatifs aux voyages détruits et la construction de grands navires interdites. La priorité ce sont les Mongols qui menacent à nouveau des frontières et surtout à la différence de l'Europe, la Chine se suffit à elle-même. Cette fermeture prendra fin brutalement avec l'arrivée des puissances coloniales européennes au XIXè siècle.
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