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crowdfunding, l'avenir de l'architecture

Ce n'est pas sa future extension en façade de verre ni le jardin et piscine en terrasse qui expliquent la récente attention portée au John 17 un immeuble de Manhattan. Mais son mode de financement inspiré de kickstarter, ce système permettant de lever des fonds via internet où chacun donne en fonction de ses moyens et de ses envies. Kickstarter est très utilisé dans le domaine des activités culturelles, offrant une alternative à la mainmise des studios et de bailleurs de fonds traditionnels des industries de l'entertainment. 

C'est presque naturellement que ce mode de financement a fait tâche d'huile dans le domaine de l'architecture. La Colombie a été le laboratoire de cette innovation financière. L'immeuble Bacata, 66 étages, à Bogota,  plus haut gratte ciel du pays a été construit en faisant appel non à des fonds d'investissement uniquement mais à l'argent des Colombiens. Ce n'est pas la plateforme kickstarter qui a servi de structure de collecte puisque sous kickstarter d'une part les sommes versées oscillent entre 5 et 1000 dollars et surtout les donneurs n'attendent pas de retour financier mais le plaisir de pouvoir voir, écouter, lire, consommer  le produit souhaité. Ici c'est le groupe Fidi Mondial qui a pré-vendu par morceaux le futur building en parts de 20 000 dollars minimum. 3 000 personnes ont répondu à l'offre permettant au groupe de lever 145 millions de dollar sur les 240 du montant global. L'idée étant ainsi de construire un bâtiment utile aux populations locales en les associant directement au projet. Une méthode utilisée aussi pour bâtir des hôtels, centres commerciaux en transformant les acteurs financiers en investisseurs et non de simples bailleurs de fond en touchant les classes moyennes. L'argument de vente est imparable : le  projet Bogota "ville idéale" ne doit pas profiter au 1 % des plus riches mais au 99 % restant. Sur le fond c'est une avancée dans une construction vivable, sur la forme il faut relever deux limites : l'intense campagne de publicités menée depuis 2 ans dans le pays pour attirer les investisseurs et la difficulté de bien diriger les fonds vers de l'utilité et non de la recherche de profits spéculatifs. 

S'inspirant du projet colombien, le réseaux prodigy a lancé sa consultation pour ce projet à Manhattant. S'il ressemble sur la forme à son modèle colombien, sur le fond il s'en éloigne. L'immeuble n'a pas été découpé en lot de 20 000 dollars mais de 100 000 dollars. Or ce relèvement des sommes ne permet pas de toucher les classes moyennes américaines.  D'après le Wall Street Journal seuls 8,5 millions d'américains ont un revenu annuel de plus de 200 000 dollars. C'est à dire à 2,7 %  de la population américaine. On est loin des objectifs originaux. D'autant que les arguments de vente tombent très vite dans la logique spéculative : au lieu d'espérer 6 % de profits en actions, vous pouvez en retirer 29 % par l'investissement immobilier. De quoi attirer beaucoup de spéculateurs, y compris étrangers.


Deux illustrations presque opposées d'un mode de financement collaboratif. Si à Bogota il y a réellement un pas en avant en direction des classes moyennes, à Manhattan ce n'est qu'une forme dérivée d'enrichir les plus riches. Une illustration de la disparition des classes moyennes dans les économies occidentales.

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