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Shigeru Ban lauréat du prix pritzker : le Japon encore à l'honneur

Et de six !!! pour la 6è fois en effet, le "nobel" de l'architecture récompense un architecte nippon. Plus que le nombre c'est la renommée acquise par les architectes du Japon qui fascine. 3 lauréats en 5 ans, et deux titres de suites en 2013 et 2014. Il faut remonter au début du prix dans les années 1980 pour retrouver une telle "domination" d'une nation, les Etats-Unis à l'époque. 

Outre la vitalité de l'architecture japonaise pour des raisons endogènes déjà évoquées sur ce blog, c'est la personnalité de l'homme qui a retenu le jury. A l'annonce de son résultat, il a tout de suite coupé à toute interprétation sur la mainmise de son pays : " De mon expérience en tant que membre du jury du Pritzker Prize, j'ai retenu que la nationalité du lauréat n'importait pas".  La déclaration du Jury éclaire sur les raisons qui l'ont amené à choisir cet architecte moins connu que ses compatriotes Toyo Ito ou Tando Ando. 

"Shigeru Ban est un architecte dont le travail inlassable respire l'optimisme. Là où d'autres peuvent voir des défis insurmontables, Ban voit un appel à l'action. Là où d'autres pourraient prendre un chemin balisé, il voit la possibilité d'innover. Il est un enseignant dévoué qui n'est pas seulement un modèle pour la jeune génération , mais aussi une source d'inspiration"

Ce prix est à la fois motivé par le style autant que la démarche.

Trois tendances marquent la griffe de ce créateur. La question des matériaux d'abord. Ban a étudié à Sci -Arc et la Cooper Union et a acquis une reconnaissance internationale pour son expérimentation, l'utilisation créative de matériaux non conventionnels, notamment le papier et le carton. En témoigne le studio qu'il construisit, au sommet d'une terrasse au Centre Pompidou à Paris, pendant qu'il travaillait sur ​​le projet de musée de Metz, fait en tubes en carton et d'une membrane recouvrant la voûte. Il a également utilisé des conteneurs de transport comme des éléments prêts à l'emploi dans la construction du musée. Son œuvre est la preuve de sa capacité à ajouter de la valeur par le design, toujours très expérimentale comme le montre l'utilisation de bambou, tissu, papier, et les composites de fibres et plastiques de papier recyclé. Très impliqué dans la recherche de construction durable il innove sans cesse : exemple récent l'immeuble de son bureau récemment ouvert Tamedia à Zurich , qui utilise un système structurel de verrouillage de bois, totalement dépourvu de matériel et de joint de colle .

Son rapport à l'espace ensuite. Il s'intéresse en effet à la continuité spatiale entre les espaces intérieurs et extérieurs. Dans Curtain Wall House, il utilise des rideaux mobiles pour relier facilement intérieur et l'extérieur, tout en protégeant la vie privée en cas de besoin . Les quatorze étages Nicolas G. Hayek Center à Tokyo sont couverts par des volets de verre sur les façades avant et arrière qui peuvent être complètement ouverts.

Sa volonté de bousculer la norme aussi. Dans Nu House, il a été en mesure de remettre en question la notion traditionnelle de chambres et par conséquent la vie domestique, et en même temps de créer une atmosphère translucide, presque magique. Cette composition en couches sophistiquées de matériaux ordinaires utilisés d'une manière naturelle et efficace, offre du confort, de la performance environnementale efficace et en même temps une qualité sensuelle de la lumière.

Ce qui a certainement emporté l'adhésion du jury c'est la posture de l'homme. Moins célèbre que ces homologues il a un parcours étonnant. Il a étudié aux Etats-Unis : à la Southern California Institute of Architecture à Los Angeles, puis à la prestigieuse Cooper Union School of architecture de New-York, l'un des « collèges » les plus sélectifs du pays d'où il sortira diplômé en 1984. Il a donc une touche américaine différente des autres architectes nippons. Sa carrière aussi a suivi un itinéraire unique. S'il a commencé par construire de riches villas épurées, il s'est très tôt tourné vers des projets pour les plus démunis. Il déclaire ainsi. « Ces personnes-là nous sollicitent pour que l'on mette en valeur leur richesse et leur pouvoir , affirme-t-il. Ils veulent que nous fassions pour eux des monuments. » Las de ne construire que pour « des gens heureux », il en appelle « au rôle social de l'architecte ».
 
Maisons papier, Kobé 1995
En 1995, il se rend à Kobé au Japon alors que la ville vient de subir un terrible tremblement de terre. Passé maître dans l'art d'utiliser de simples tubes de carton qu'il avait expérimentés la première fois pour les besoins d'une exposition consacrée à Alvar Aalto, dix ans auparavant, il redéploie ce savoir faire élémentaire pour concevoir des logements éphémères destinés aux plus démunis, victimes de catastrophes naturelles, ou de guerres. De 1995 à 1999, Shigeru Ban devient architecte conseiller auprès du Haut Comité aux réfugiés de l'ONU. En Turquie, en Haïti, au Rwanda, ou en Nouvelle Zélande où il a achevé en 2013 la cathédrale de Christchurch, la qualité de ses réalisations dépasse toutes les attentes. Shigeru Ban a élargi le rôle de la profession, il a incité les architectes à participer au dialogue avec les gouvernements et les organismes publics, avec les philanthropes et les communautés affectées. Son sens de la responsabilité et de l'action positive crée une architecture de qualité pour répondre aux besoins de la société, combinée à son approche originale de ces défis humanitaires.
 
Il pose les bases d'une architecture responsable qui ne se focalise pas uniquement sur les bâtiments de prestige mais met son savoir-faire à la disposition de la majorité de la population.

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