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New York métropole auto-suffisante : une vision d'avenir

Il n'y a pas que le futur Grand Paris qui envisage un futur fait de durabilité et de modération environnementale. New York, marquée par la succession d'hiver rigoureux et tempête spectaculaire, se pose aussi la question d'un développement harmonieux.

C'est l'architecte Michael Sorkin qui lance la réflexion. Il n'en est pas à son premier coup d'essai. Ce remarqué professeur d'architecture, critique, auteur et directeur d'un cabinet en design s'est spécialisé dans l'architecture verte et durable. Ces écrits récents comme  Indefensible Space, Starting From Zero, The Next Jerusalem ou New Orleans Under Reconstruction proposent des visions théoriques et de moins en utopistes d'une architecture que lui même définit moins comme durable (même si c'est l'objectif finale) qu'auto-indépendante.

Dans cette optique il s'est engagée depuis 2006 au sein de Terreform -un centre de recherche sur l'architecture et l'urbanisme durable - à imaginer New York City (Steady) State. L'objectif : rendre la métropole de New York et ses 8,5 millions d'habitants autonomes pour des fonctions primaires  et vitales: eau, nourriture, transport, logement, qualité de l'air.... Une première remarque, l'architecte, de son propre aveu a restreint son champs de réflexion à la ville administrative (5 arrondissements de Manhattan, Bronx, Brooklyn, Queens, Staten Island), une limitation contre nature compte tenu de la densité et de la continuité du tissu urbain. Une seconde remarque concerne l'arrière plan politique. En mettant en avant les idées d'autarcie, de limitation des importations, d'harmonie et d'égalité sociale, il lève de nombreux tabous de la mentalité américaine. Il décomplexe les projets autarciques marqués depuis les années 1930 du sceau des  totalitarismes, il rejette le présupposé néolibérale sur l'ouverture des échanges et le rejet du protectionnisme tout en pointant du doigt l'intenable american way of life. Un tel discours trouve d'ailleurs un écho politique local : Bill de Blaiso, le nouveau maire de New York tout juste élu a fait campagne contre cette ville à deux vitesses où mes écarts et les inégalités se creusent.

A quoi ressemble ce new york futuriste ? L'idée principale de ce projet est de créer une société durable de bas en haut - plutôt que de compter sur le gouvernement pour imposer un de haut en bas - en appliquant l'autarcie, un concept politique qui décrit un système complètement fermé. Ce système résonne bien avec beaucoup de notions établies de la durabilité telles les boucles fermées ou l'influence extérieure minimale. Le premier champ d'étude concerne la nourriture. On pourrait parler d'un véritable retour à la terre. Terreform estime possible de produire  2 500 calories par personne et par jour, la ration alimentaire normale (un américain aujourd'hui  consomme 3700 calories par jour) en utilisant une variété de fermes de gratte-ciel  en récupérant les rues et pâtés de maisons non utilisés. En combinant cela avec un réseau de distribution sophistiqué il  serait donné à chaque résident l'accès à une nourriture suffisante. Une agriculture dite verticale combinée à  la mise en culture des anciennes voies de communication en résumé.  Cette agriculture dépasserait largement les espaces publics puisque les halls d'immeuble accueilleraient aussi des serres. Certaines tours seraient même entièrement dédiées à l'agriculture. Si ce projet marque un tournant alimentaire majeur par la prééminence du végétal sur la viande, il ne tombe pas dans une vision végétarienne excessive. Ainsi sont conçues des tours d'élevage. Mais à la différence de l'élevage industrielle, ces structures sont à la fois plus saines pour l'animal en offrant de l'espace, de l'air et en limitant les effets de sur-concentration, plus économe pour l'environnement en retraitant, limitant les déchets et la consommation en énergie. Très inscrit dans la tradition indépendante américaine, une large d'auto-gestion est laissée au quartier organisant la collecte, la distribution. Rien de complètement révolutionnaire précise l'auteur en rappelant  que New York  regorge de jardins communautaires, de sites de production, de jardins sur les toits, de caves de tofu,  d'une riche infrastructure de distribution de coopératives alimentaires, de soupes populaires, de cantines scolaires et des restaurants...

Autre point important la circulation. Dans le schéma, la ville réduite exploite les réseaux les moins polluants déjà existants : le métro pour le fret à la réutilisation du Canal Erié pour relier la ville aux autres régions. Pour les transports individuels, le projet s'inspire des villes vertes un peu partout dans le monde. Transport collectif, bicyclettes, rapprochement des zones de production et de consommation. C'est à  ce titre que l'idée d'autarcie devient efficiente en limitant les dépendances extérieures.

L'architecture ne vise pas à faire dans le spectaculaire ni dans l'esthétisme mais dans le radical. La ville est verte non par goût mais par nécessité. Inutile de rechercher l'illusion du durable, elle s'impose. Ferme gratte ciel, jardin publique communautaire, tout est conçu pour que la ville ait un bilan carbone neutre. De même le design des bâtiment, modulaire, vitrée,  optimise les technologies passives d'économies d'énergie, de circulation de l'air tout en dotant des inévitables éoliennes, panneaux solaires et récupérateurs d'eau. Dans les premières esquisses proposées, quelques gratte ciel seraient entièrement nouveau mais la majorité serait des réemplois limitant au maximum la consommation d'énergie.

Car c'est le domaine qui pose problème. La ville actuelle de New York pour se chauffer, s'éclairer, produire et se nourrir a besoin de 25 centrales nucléaires !! La solution se trouve peut être à nouveau dans des réseaux non plus verticaux mais horizontaux avec une forte délégation  du pouvoir (voir l'ouvrage de Jérémy Rifkin, La Troisième révolution industrielle) Une telle contradiction renforce la radicalité du projet, l'audace des travaux à venir et les entorses à venir sur le sacro-saint mode de vie à l'américaine.

Commentaires

  1. audacieux et très intéressants. A noté que le fait d'utiliser les espaces et jardins publiques pour planter se fait ponctuellement, à Poitiers par exemple il y a le collectif Incroyable comestibles qui plante et sèmer des fruits ou des légumes sur l'espace public pour que tout le monde puisse se servir gratuitement.

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