"Mangez autant que vous pouvez". Voici le mot d'ordre donné aux paysans des communes populaires. Lancées avec force de propagande, les cantines collectives sont la partie noble du Grand Bond en Avant sensées emporter l'adhésion de la paysannerie. Derrière la vitrine, la réalité sera terrible : de grandes famines, un désastre économique et humain ( entrer 20 et 40 millions de morts).
Le Grand Bond en Avant (GBA) c'est la version chinoise du socialisme. Après avoir copié la collectivisation et l'industrialisation stalinienne, Mao décide en 1955 de construire sa propre politique. Il part du constat qu'en URSS le socialisme soviétique se base sur l'ouvrier et non sur le paysan, que les réformes agraires visent à générer des surplus destinés à l'exportation permettant ainsi d'acheter à l'extérieur les techniques et produits industriels dont manque cruellement l'URSS, que la collectivisation violente dans les campagnes visait à confisquer ces surplus. Or en Chine la situation est inverse : la population est majoritairement rurale, le paysans chinois est 3 à 4 fois moins productif que le soviétique et par là le socialisme chinois vise avant tout à produire assez de nourriture pour éviter les famines. En outre la déstalinisation commençait à distendre les relations entre les deux nations.
Mao élabore donc son programme doctrinal qu'il nomme le Grand Bond en Avant. Il comporte 3 axes mis en place entre 1958-1960.
- création des communes populaires sensées devenir autonomes et auto-suffisantes en promouvant une atomisation de la production en petites unités
- collectivisation forcée des biens matériels, récoltes
- contrôle accru du parti
Pour réussir le 3è axe, Mao vise à casser les liens traditionnels de la Chine : village et surtout famille. Les ustensiles, tables, chaises sont confisquées. Les repas sont réalisés en commun. La cellule familiale explose. Mao applique à l'échelle de son pays ce qu'il a fait subir aux communistes lors du refuge à Yan'an après la Longue Marche : un formatage doctrinal couplé à une campagne de "rectification". Pour prouver la valeur de la politique, les cantines deviennent le lieu stratégique : les tables sont remplies de victuailles avec comme mot d'ordre : manger sans modération. Tandis que les chiffres de récoltes sont gonflées et que les fours à acier communaux fleurissent un peu partout, les cantines tournent à plein régime.
Elles sont dès lors le parfait exemple du désastre à venir. Les premiers mois donnent lieu à des festins comme jamais les paysans n'en ont connu. La récolte de 1957-1958 a été bonne. Tout est offert, diversifié. Mais très vite les stocks s'épuisent. N'ayant plus le contrôle sur leur cuisine, les paysans gâchent énormément. Le désastre est inévitable. Dès 1959 les cantines ne servent plus que des bols de gruau accompagnés de patate douce pour ceux qui arrivent en premier. Les anciens, les enfants sont sacrifiés. Et impossible de cuisiner chez soi car tout a été confisqué et gare à ceux qui voudraient cuisiner en douce. S'ils sont pris ils sont battus.
Quand en 1960 le programme est stoppé, les campagnes sont marquées à vie. Le seul à avoir osée s'opposé à Mao, Meng Dehuai déclare en 1959 : « Si les paysans chinois n’étaient pas bons comme ils sont, il y a longtemps que nous aurions connu un incident hongrois ».
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