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femmes et architecture : pourquoi sont-elle si rares ?

C'est une situation étonnante que les chiffres ne font que conforter. Le monde des architectes demeurent une des dernières forteresses que la féminité peine à conquérir.  Aux Etats-Unis, 40 % des étudiants en architecture sont des hommes mais simplement 23 % des architectes. Sur les 45 lauréats du prix Pritzker, seulement deux lauréates, Zaha Hadid en 2004 et Kazuyo Sejima (qui le partage avec son associé Ryue Nishizawa) en 2010. 

Les femmes ont très tôt été des acteurs de l'architecture. Sous la monarchie, la marquise de Rambouillet ou  Catherine Briçonnet furent des maîtresse d'oeuvre extraordinaires. Au XXè siècle  Eileen Gray, Renée Gailhoustet, Édith Girard, Odile Decq, Lilla Hansenou Julia Morgan les suffragettes de la pierre ont taillé dans les privilèges du machisme. Pourtant le débat est revenu sur le devant de la scène suite à l'article de Maria Smith, l'architecte britannique récemment nominé par The Architect’s Journal’s  comme la femme architecte la plus prometteuse de l'année.  

L'article volontairement provocateur tort le cou à certaines idées préconçues. Les femmes quitteraient le métier pour 3 causes :
  • les conditions du métiers sont dures:  beaucoup d'heures passées, salaire qui monte lentement, stress et reconnaissance difficile
  • il est difficile de concilier les impératifs du métier avec la maternité
  • la profession est encore très machiste et traversé par les préjugés d'un autre âge
Il est assez facile de démonter ses trois arguments et la démonstration de Mme Smith est très juste. Les conditions du métier sont dures ? quel métier ne l'est pas et les femmes n'ont-elles pas démontré dans le mode médical, du droit ou de la finance leur capacité à supporter autant voir même mieux que les hommes la pression. La maternité est un argument facile et d'un autre temps. Les hommes ont changé et le poids de la famille est de mieux en mieux partagé. Les femmes menant de front leur carrière et leur rôle de mère sont de plus en plus nombreuses Et s'il ne faut pas nier la plus grande facilité des Hommes à mettre leur envie de fonder une famille de côté, l'explication est trop simple Quant aux derniers points, c'est un fait assez juste. Les récentes analyses sexistes de l'oeuvre de Zaha Hadid ont démontré le maintien de vieux stéréotypes. Mais ne nous trompons pas de combat. Comme dans le reste de la société, ce n'est pas pour la place de la femme qu'il faut lutter mais pour l'expression de la féminité. Les codes vestimentaires sont encore très marqués par l'ancienne phallocratie mais la liaison architecture-masculinité a été brisée.

L'auteur avance alors deux hypothèse iconoclastes. D'abord les études préparent mal au métier d'architecte. Nombre d'étudiants découvrent que leurs premières années sont faites à parfaire leur cursus. "Je ne suis pas vraiment sûr si je veux devenir un architecte parce que
Projet de fontaine, Zaha Hadid
je ne sais pas si je ne veux pas vraiment utiliser mon cerveau pendant les 10 prochaines années" témoigne un étudiant. De là revient le débat carrière/maternité. La femme n'a pas le droit (grâce ou malgré Mère Nature) de perdre trop de temps. Alors nombreuse déçu par la lenteur de leur progression choisisse de se réorienter vers le design par exemple. Ceci amène à une deuxième hypothèse encore plus provocatrice : le métier ne serait pas assez créatif !! Une enquête menée parmi le monde des architectes et des étudiants montre que si 97 % d'entre eux considèrent leur métier comme créatif, certains ajoutent que 1 % de leur temps seulement est consacré à la création. Cela pose une question simple. Non pas celle sexiste que les femmes seraient plus créatives que les hommes mais plutôt qu'elles supporteraient moins facilement d'avoir à faire des missions qui ne les concernent pas. 
Il reste un dernier argument qui explique le retrait relatif des femmes et que l'auteur néglige. Le pouvoir financier. Le métier d'architecte est un métier libéral nécessitant à la fois un réseau mais une bonne assise financière. L'inégalité homme et femme y est encore présente, pas en chiffre brute (46 % des travailleurs libéraux en France sont des femmes) mais par branche et par capacité de capital disponible. 17 % des femmes sont des huissiers en France. Sur le tableau ci-joint, l'examen du secteur de la santé est très frappant : étude longue, chère et capital joue en défaveur des femmes. De même le revenu de ce travail est encore largement inégalitaire : les femmes gagnent en moyenne 44 % de moins que les hommes. C’est dans les professions du droit, secteur le plus féminisé des professions libérales, que l’écart de revenu est le plus lourd (117 %). Pour la finance, il est de 82 % et dans le conseil de 47%. Ce déséquilibre n’existe toutefois pas dans le secteur de la santé.  Ce lie entre le métier et l'argent se lit enfin dans les directions de cabinets d'architecture. Si en France 25 % des inscrits à l'ordre des architectes sont des femmes, peu nombreuses sont les femmes seules à la tête d'une agence (Elizabeth de Portzamparc par exemple).



Commentaires

  1. Bonjour! Je me demandais si vous saviez si de nombreuses architectes font le choix de demeurer sans enfant?Connaissez-vous des architectes bien en vue qui sont sans enfant? Merci!

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  2. bonjour. C'est une question très pertinente. Les architectes sont très discrètes sur leur vie privée. Beaucoup comme toutes femmes très diplômées ont leur premier enfant tard. Il y a un témoignage assez intéressant sur les contraintes des femmes architectes. http://www.afmeg.info/spip.php?article68
    Si vous trouvez des précisions je serai intéressé.

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