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snowpiercer : blancheur éclatante

Un cinéaste coréen doué, une BD française des années 1980, un casting international, qu'est ce que cela peut donner ? un film éblouissant, surprenant, réflexif.  L'univers c'est de la science fiction, dure, post apocalyptique. En 2031,une nouvelle ère glaciaire s'abat sur terre à cause de la folie des hommes. Les derniers survivants ont pris place à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s’arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal fendant la glace, s’est recréée une hiérarchie des classes contre laquelle une poignée d’hommes entraînés par l’un d’eux tente de lutter. Car l’être humain ne changera jamais… Le coréen génial réalisateur de ce Host ou Memories of murder s'empare de l'oeuvre et nous livre le blockbuster de l'année.  Voici les ingrédient de la recette.




Oppressant. Tour de force que de centrer toute l'intrigue dans l'univers clos d'un train gigantesque. Le réalisateur libère toute son énergie créatrice pour nous offrir tout le long de la remontée du train une incroyable illustration de la pyramide sociale. Son oeuvre est évidemment engagée : un microcosme de la modernité, l'énorme gâchis du sommet, la misère et la haine tout en bas. Entre les deux les rouages d'un système qui les dépasse. Chaque étape, chaque nouveau wagon est l'occasion de trouver une nouvelle mise en scène, un parti pris. Et si l'univers se limite à ce long wagon l'extérieur interagit : tunnel, avalanche, effet de lumière, gorge. Le résultats est à la fois très proche des jeux vidéos et très original ; jamais un moment d'ennui.

Envoutant. Cet univers glacé donne au film une patine magnifique. La traversée des paysages enneigés de la terre, de villes glacées est magique. Il faut ici saluer le magnifique travail des équipes d'effets spéciaux. Aucune fausse note tout est très beau, très net ce qui n'est pas toujours le cas dans le cas des grosses productions asiatiques.  La traversée des métropoles figées donne des frissons !!! L'envoutement se lit aussi dans la découverte des différents compartiments. Sans spolier on trouve pèle mêle les saunas, les serres, les salles de classe.... c'est tellement irréel que le film en gagne une poésie.

Enfermement. Le film se construit autour d'une dualité. Le train prison contre le dehors mortel et une question : comment survivre à la claustrophobie. Le désespoir, la drogue, le rêve ou  la révolte. La narration trouve toute sa force dans les subtiles évocations de ces désarrois internes : les statues de glace, les wagons-party, les vitres qui n'existent que dans les wagons de la haute. Et nul ne semble s'inquiéter de ce contrôle absolu. L'absolue protection se transforme en prison volontaire. La quête de libération trouve sa réponse par  la découverte de la machine, ce deux ex machina qui régit la vie de ces derniers humains mais à quel prix : aliénation, contrôle. Une relecture du mythe de métropolis en quelque sorte.

Révolte. Le personnage joué par Chris Evans incarne l'âme de la révolte mais il incarne aussi toute l'ambiguïté d'une révolte : aisée à déclencher, difficile à terminer.  La révolution elle même semble en elle-même viciée manipulée et c'est une des forces su scénario qui n'est pas sans rappeler la fin (en bien mieux) de la trilogie Matrix. Loin des codes hollywoodiens, le film laisse la pesanteur, le double jeu de la nature prendre le pas. Notons à propos des acteurs l'excellence du casting. Chris Evans trouve là un grand rôle d'anti-héros dont les motivations sont bien plus sombres, Jamie Bell touchant, Tilda  Swinton, Ewen Bremner méconnaissables, Song Kang Ho allumé comme à son habitude, John Hurt, Ed Harris au top. 

Jeu de caméra. Bong Joon Ho est un très grand. On retrouve tout son style : les scènes de combat pleines de rage,  le mélange comique/tragique, l'excellence du montage, les variations multiples de point de vue (la fusillade à travers les baies vitrées). Il filme d'une manière vertigineuse, crée de l'espace dans un univers confiné. Il combine plusieurs genres comme en témoigne la fin moins noire que dans les précédentes production coréennes.

Tour de force, très grand film, Snowpiercer  marque l'avènement d'un nouveau type de blockbuster spectaculaire, sensible et intelligent.

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