A redécouvrir

les princes rouges

Ils défrayent la chronique en Chine et sont encore méconnus en France. Ils sont les mandarins de la Chine du XXIè siècle et la presse leur a donné un surnom : les princes rouges. La Chine d'aujourd'hui possède encore beaucoup de points communs avec la Chine impériale. Centralisée dans son système politique, elle est encore très féodale dans son fonctionnement. Lutte de clans au sommet, affairisme, corruption et formation d'empire dans les provinces reculées, demeurent d'actualité. Si la Chine impériale fut marquée par la lutte entre les mandarins au service de l'Etat et les eunuques au service de l'Empereur, la Chine rouge est animée en coulisse de luttes entre ces héritiers.

Les princes rouges d'origine sont les fils et filles de haut dignitaire du parti. Ils ont été élevés dans la discipline du parti, certains ont été gardes rouges, d'autres envoyés dans les campagnes.  Pendant les heures sombres de maoïsme ils ont vécu à l'abri à Zhongnahai, la nouvelle cité interdite. Ils ont tous bénéficié de l'ouverture économique du pays, ont  fait leurs études dans des grandes écoles occidentales, anglaises ou américaines, et appris rapidement les bienfaits du capitalisme en exploitant au mieux leur position au sommet : réseau, influence et initiation.  Quelques exemples permettent de saisir la force de cette aristocratie.
  1. Kong Dongmei et Mao Xinyu. La 1ère est Petite fille de Mao, fortune estimée 620 millions d'euros grâce ses livres (???) et sa lucrative maison de vente aux enchères (profite à fond du boom immobilier et des expropriations..) Le second, petit fils a été bombardé général en 2010. Très rond de forme, peu compétent, il est la cible des internautes ce qui n'a semble-t-il pas ralenti son ascension
  2. Xi Jinping (actuel président) : son père a fait la longue marche, cadre du parti, puis purgé. En 1978 il devient l'un des 8 "immortels", les membres permanent du bureau politique qui tous les 8 ans nomme le président et le premier ministre. La trajectoire était tracée
  3. Deng Zhuidu : petit fils e Deng Xiaoping, diplômé de Duke. Un parcours tout en silence : nommé secrétaire du PCC dans un district rural du Guangxi.
  4. Hu Haifeng : fils de Hu Jintao le précédent président, il dirige Nuctech, société qui contrôle 90 % du marché des scanners de sécurité en Chine. En 2009, il signe un juteux contrat de 50 millions de dollars  avec la Namibie malgré une forte corruption.
  5. Famille de Wen Jiaboa (ancien premier ministre) : fortune estimé 2 milliards de dollars.
  6. Ai Weiwei le Janus. Côté face c'est l'artiste victime de la répression envoyé 3 mois en prison. Côté face c'est le fils de Ai Qing un poète et compagnon de route de Mao avant d'être purgé dans les années 1950 et exilé au Xinjiang. Son ascendance lui a offer une certaine indépendance artistique jusqu'au raidissement politique des années 2009-2011.
  7. Bo Xilai : le modèle par excellence, fils d'un immortel, il est devenu maire, ministre, patron et "parrain" de la métropole de Chongqing. C'est lui qui a négocié l'entrée de la Chine à l'OMC. Sa fortune est estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars. Signe de sa puissance il eut comme maîtresse l'actrice Zhnag Ziyi. Mais trop ambitieux, il voulu court-circuiter l'ordre d'accession du pouvoir et est tombé en 2012 pour corruption, détournement de fond et condamné à la prison à vie.
S'ajoutent à ces fils et filles de, les "oligarques" qui ont fait fortune lors de l'ouverture économique du pas :
  •  Ma Huateng  fondateur du numéro un chinois de la messagerie instantanée, Tencent. Patrimoine 10 milliards
  • Huang Guangyu, l'ancienne première fortune de Chine grâce au vente de matériel électronique, fortune (2 milliards minimum)
  • Zhang Yimou (un peu) : le grand cinéaste, réalisateur de la cérémonie d'ouverture des JO de 2008 et qui a pu détourner la loi de l'enfant unique (7 enfants!!)
Ainsi aujourd'hui ces deux groupes tirent pleinement profit de la privatisation des entreprises d'Etat, du retour de Hong Kong ou du marché immobilier. Fort de leur position politique et économique  ils n'hésitent pas à détourner des sommes faramineuses (lors des JO ou lors de la construction d'écoles au Sichuan), empocher de colossales commissions (contrats en Afrique), jouer sur le boom de l'immobilier. Aider des grands institutions financières comme UBS, une grande partie de leur argent est placé dans des sociétés off shore basées aux îles Vierges et aux îles Caïmans (qui gèrent pas moins de 20 000 clients chinois). Leur mode vie tonitruant en fait une cible de choix des internautes contestataires : soirée privée, voiture de luxe, maîtresse, villa.... Sauf que cela fait tâche : dans un contexte de ralentissement de l'économie, leur turpide aliène une grande partie de la population. Le tremblement de terre du Sichuan en 2008  a ainsi révélé au grand jour la corruption des fonctionnaires et des chefs d'entreprise : les écoles qui se sont effondrées avaient été construites à la va-vite, avec de mauvais matériaux puisque une partie de l'argent avait été détournée..  Et comme le Japon ne peut pas toujours servir de miroir aux alouettes, l'Etat chinois doit sévir. Ainsi tandis que Bo Xilai, présenté comme champion de la lutte contre la corruption a été spectaculairement arrêté et jugé devant les caméras du pays, des dizaines de fonctionnaire sont tombés notamment lors du tremblement de terre au Sichuan ainsi que des hommes d'affaires de seconde main.. Et paradoxe chinois, si la population ne se fait aucune illusion sur la corruption des élites, elle a en revanche une grande confiance dans la capacité des princes rouges a faire le ménage.

Pour aller plus, un excellent roman policier chinois sur ce thème : Qiui Xiaolong Cyber China




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