Il n'est pas innocent que ce soit aux Etats Unis que se développe un débat sur le design pénitentiaire au service de la réinsertion. Depuis les années 1970 et la lutte contre les stupéfiants les chiffres de la population carcérale ont explosé : plus 500 %. 90 % des incarcérés le sont pour des actes non violents et les Etats-Unis ont un taux de récidive de 67 % dans les moins de 3 ans après la sortie. Les prisons américaines ont marqué la culture populaire : Alcatraz, Attica ou les "bagnes du Sud" en passant par Guantanamo. Leur violence et leur conception très dure restent une cible de choix. Très récemment c'est leur déontologie qui est pointé du doigt autour des fameuses prisons privées à l'image de la
Fremont County, Colorado, 36 000 âmes, 13 prisons, 7 731
condamnés où la prison est une industrie comme une autre qui s'auto-alimente, à l'image aussi de ses comtés qui pour accélérer la justice et limiter les coûts encouragent les contrevenants (de la route) à choisir des séjours express en prison plutôt que de passer devant le juge.
Pourtant à Brooklyn émerge un projet original : Prischool. L'idée consiste à intégrer une prison avec une école de criminologie, une école de justice pénale, le tout fonctionnant au sein de la communauté carcérale. D'un point de vue intellectuel, c'est une remise en cause totale de la vision punitive de la prison, si bien en image dans le film punishment park. Le concepteur du projet Glen Santayana, étudiant à l'école de design de Harvard s'est en effet intéressé à la stimulation cognitive et intellectuelle des prisonniers qui cherchent à se réinsérer. Qu'est-ce qui provoque le plus certainement la retombée dans le crime si ce n'est la perte de confiance, la disparition de sa dignité,la non-préparation au retour à la civile et la non-compréhension du droit. Il reprend les ambitieux programmes des militants des années 1970 en y ajoutant une visions symbiotique de la prison : des enseignements originaux, une rencontre étudiants/prisonniers, un regard intime sur la justice, sur la notion de crime, la compréhension même des délits et du système judiciaire, une nouvelle approche des relations humaines en milieu fermé centrées non plus sur le sport, des enseignements communautaires mais des savoirs de haut niveau. A noter les rencontres possibles entre étudiants en droit et condamnés, une manière pour les premiers d'aborder, de comprendre l'univers dans lequel ils sont susceptibles d'intervenir. Sa structure serait réservée aux condamnés non violents pour détention de drogue, mettant en avant l'idée qu'il ne faut pas faire cohabiter dans un même espace les grands criminels et les petits délinquants.
Novatrice sur le fond, la prison l'est aussi dans les formes. 4 Bâtiments en formeraient l'ossature :
- l'école,
- la prison,
- l'espace communautaire regroupant, la bibliothèque, salle de sport mais aussi ouvert au voisinage pour casser l'image négative de vivre à proximité d'une prison.
- un centre pour les détenus en attente de libération où ils auront accès à des bibliothèques, salles informatiques, ateliers. Un sas donc visant à préparer la future réintégration sociale.
Chaque bâtiment aurait une forme déformée semblant s'entremêler pour donner cette sensation que prison/enseignement/réhabilitation font partie d'un même processus. Chaque structure est reliée aux autres par des passerelles tandis que les façades ont une armature en claire voie. Ceci donne un nouveau sens à la prison : non pas l'enfermement, non pas l'espace honteux que l'on cache derrière des murs, mais plutôt une sorte d'exil incarné par le voile de la façade qui laisse passer la lumière comme une promesse d'une libération future. De même les formes du complexe participent à la fois à la stimulation de l'esprit dans les formes rondes, à l'apaisement des sens en n'agressant pas le détenu par un environnement froid et laid. Le choix des matériaux métal et bois contredit en outre la vision déshumanisée de l'univers carcéral. Le projet s'il arrive à dépasser les réticences de l'opinion public et à intégrer les normes de sécurité montrera comment la conception d'espaces participe de la reconstruction/reconstruction mentale. Il s'intègre dans un nouveau champ de l'architecture s'intéressant à des lieux trop longtemps délaissés tels les bâtiments hospitaliers ou scolaires. La fonctionnalité n'exclut donc pas une recherche esthétique comprise comme une forme de thérapie cognitive et comportementale.
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