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Godfrey Ho : le 7 è art à l'âge du recyclage décomplexé

Le paysage du cinéma asiatique possède parmi sa galaxie de talents une étoile filante. Godfrey Ho, le pire cinéaste d'Asie, le Ed Wood de Hong Kong devenu grâce à des décennies de travail acharné et minutieux une icône du cinéma nanar, un pilier de la Z attitude entrée par la plus tordue des portes au firmament de la création. Comment expliquer le destin de ce cinéaste raté devenu bien malgré lui une icône de la pop culture.

Godfrey Ho est né en 1948 à Hong Kong et à l'âge de 23 il débute sa carrière au sein du célèbre studio de la shaw brothers, devenu célèbre pour ses productions à la chaîne de films de kung fu dans des décors pas toujours florissants et au scénario/acting assez marqué. Si l'on doit à cette société d'avoir lancé la carrière de Jackie Chan et d'avoir influencé John Woo ou Quentin Tarantino, on lui doit aussi d'avoir enseigné à Godfrey l'art de réaliser des films sans le budget, la direction d'acteur laissant libre cour au cabotinage et le besoin immodéré de saturer le public de films dans l'air du temps. Quand à la fin des années 1970 la société bat de l'aile et est contrainte de le remercier, il est fin prêt pour prendre son envole créatif !!

Le style Godfrey Ho c'est d'abord une irrésistible envie de rattraper le train qui est entrain de quitter le quai. Ainsi on peut schématiquement décompenser sa carrière en période qui reflète non une évolution artistique mais une adaptation aux films les plus en vogue.
  • 1979-1984 : la période Bruce Lee-KungFu-shaolinploitation
  • la période Ninja : le grand courant chez Godfrey, le ninja dans tous ses Eéats, jaunes, blancs, noirs, Ninja contre les démons, les vampires, jaguar ninja, ninja américain, ninja en enfer, ninja de feu....
  • l'épopoque kickboxing : Godfrey Ho ayant refusé de tourner avec un certain Jean Claude Van Damme, il ne se désunit pas et se lance dans le business.
Godfrey c'est un art assumé du choix d'acteur.  D'abord les clones de Bruce Lee. Coréen, Hong Kongais, chinois, il en a recruté partout ne reculant devant aucune limite pour surfer sur la vague du grand Bruce. On compte pêle-mêle le coréen Dragon Lee, un Bruce Lei, Bruce Stalion tous plus ringards et finalement attachants. Son grand oeuvre, c'est son casting d'acteurs occidentaux pour envoyer ses hordes de films ninja à l'assaut du marché américain et européen. Là c'est du lourd : 
  • Richard Harrison, le ninja moustachu toujours volontairement à côté de son rôle et du sujet. A sa décharge il ne connaissait jamais l'histoire complète du film et s'est retrouvé parfois à faire des scènes pour 9 films différents.
  • Bruce Stalion alias Paolo Tocha, la fusion italienne entre Rocky et Bruce Lee..
  • Bruce Baron : un autre ninja réflexif dont les pensées semblent perdues dans sa moustache
  • Stuart Teen, Mike Abott, Grant Temple : quelques moustaches, beaucoup de grimaces et un acting pour sourd et muet exceptionnel
  • mon préféré Alphonse Beni : acteur camerounais (il tourne des films d'auteur dans son pays) devenu acteur de film érotique en France (film artistique..) avant de devenir le cultissime black ninja
  •  Cynthia Rothrock : à bout de souffle la "chuck norris" au féminin croisera le chemin du trublion pour le malheur de sa carrière..
Godfrey c'est surtout l'inventeur, le précurseur du recut et de la collision. En effet l'homme n'a jamais le budget pour ses projets grandioses. Mais il a The Answer. Racheter des films thaïlandais, philippins, hong kongais bon marché, tourner des scènes avec ses acteurs, mixer le tout pour nous vendre un film : un recyclage. Le résultat, des films barrés, complètement WTF  où le scénar tente le grand écart. Le 2 en 1 est devenu sa marque de fabrique. Petit best-of de ses créations : 
  • flic ou ninja : pour paraphraser le site nanarland casse tête chinois. Incroyable rencontre entre un flic d'interpol lancé sur la piste de trafic de diamant, une fille à la recherrche des hommes qui l'ont violé et de ninjas trafiquants !!! Normal au film asiatique de base (une obscure histoire de vengeance et de diamants), Godfrey y ajoute sa touche ninjesque personnelle
  • Hitman le cobra : un des monuments du cinéma nanar. Un homme cherche à se venger de la mort de son frère sur fond de guérilla japonaise. Bizarre ? mais non mister Godfrey avait dans ses bacs un obscur film de guerre philippin anti japonais. Quelques acteurs, du montage et c'est plié !!
  • Black Ninja : non content de nous offrir Alphonse Beni Ninja, le fils caché de Bruce Lee et Rocky Balboa, le réalisateur repousse les limites du non-sens. Il s'empare d'un film asiatique où un chinois renomme (Edmond ????) recherche Tiger leur meutrier de son père et essaie de nous faire croire que le tout se passe en partie en France ...
Godfrey Ho porte aussi au plus haut point l'esprit nanar. On a pas d'argent mais des idées. Dans Hitman le Cobra le film est sensé se passer dans la jungle mais on voit très vite qu'il a été tourné dans un jardin public (des visiteurs en arrière plan..). Dans blackninja, comment faire plus France si ce n'est en demandant à ses acteurs de porter des baguette de pain ? Mes acteurs ne savent pas se battre, suffit qu'ils poussent des hurlements et prennent des poses tordues.


 Flic ou Ninja : l'explication la plus tordue de l'histoire du cinéma ou l'art d'accommoder des bouts de films épars.

N'en rajoutez plus, Godfrey est un sacré farceur, un imposteur sans complexes (refourguer des bouts de films, faire tourner des scènes pour différents films à ses acteurs sans leur dire et  donc sans les payer !!) qui a décidé de rentabiliser des kilomètres de films et des "acteurs" inexploitables. Sans le savoir il est devenu l'icône de ce genre bis. Il est parvenu a faire de la maxime de Goethe une réalité : « L’Orient et l’Occident ne peuvent plus être séparés ».

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