Le dernier volume de la série Thermae Romae est sorti fin octobre. Cet excellent manga primé en 2012 raconte l'histoire de Lucius Modestus, un architecte romain de l’Antiquité boudé par la
profession qui décide d’aller se détendre aux thermes. Alors qu’il
s’immerge dans l’eau, il se retrouve aussitôt transporté dans le temps
et l’espace, atterrissant dans un bain public du Japon contemporain.
Ces étranges voyages lui permettent de s’inspirer des inventions
japonaises et des techniques modernes pour briller à Rome et s’attirer
les faveurs de l’empereur Hadrien. Récit riche, original, il opère le plus improbable des rapprochements.
Rome la fière cité, continentale, impérialiste et le Japon l'archipel fier de son indépendance ; rien ne semble plus opposé. Et pourtant entre les deux cultures il existe des passerelles.
- L'art du bain et du soin corporel. Entre les thermes et les onsen, les ressemblances sont fortes. Plus que l'aspect bien être, c'est la place sociale et culturelle de ce lieu qui rapproche les deux cultures. A Rome, les thermes sont l'espace public/privé où s'exerce la citoyenneté du quotidien : discours, échanges, vie sociale. Il est un marqueur politique, le signe d'appartenance à la communauté des égaux. Au Japon, le onsen occupe la même place : bains tiède, chaud, froid, espace convivial transgénérationnel. La popularité du lieu ne s'est jamais démentie. Il en va de même pour le rapport au corps. Une relation décomplexée à la nudité, un goût pour la sensualité mélangée à une pudeur en public.
- La religion. Rome et le Japon cultivent la même "tolérance". Polythéisme d'un côté, animisme d'un autre, les deux cultures ont "digéré" les influences extérieures. Rome a ainsi imposé uniquement un culte impérial et proposé des mélanges des genres étonnants : Mercure et Anubis, Mithra, Cernunos. Au Japon, bouddhisme, confucianisme, shintoisme, christianisme se mélangent dans les lieux, dans les cultes même. La ressemblance va encore plus loin : les deux cultures ont eu les mêmes difficultés à gérer les religions monothéistes comme le rappellent les persécutions des chrétiens de Néron, Domitien ou celles des Tokugawa de la fin du XVIè siècle .
- La relation de dépendance culturelle/critique envers ses voisins. Rome conquérante de la Grèce admirait sa culture au point d'en adopter les moeurs et la langue. Et dans le même temps, les Romains ne se gênaient pas pour critiquer le modèle grec, son manque d'ouverture, sa décadence. Au Japon, c'est la Chine qui joue ce rôle de modèle puis celui de cible de la critique. Les Tang ont influencé l'administration japonaise, la langue ; la religion, la philosophie ont aussi traversé la Mer de Chine. Puis au XIXè siècle, le Japon industriel fustige la Chine de la décadence.
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