La censure en Chine revêt bien
des formes. Loin de la seule interdiction, le gouvernement chinois emploie des
méthodes diverses : de la destruction pure et simple d’archives à l’ennoiement
de l’information sous une masses de désinformation en pratiquant la censure des
mots ou la polémique artistique. Retour sur
le passé de la Chine pour voir comment dans ce pays marqué par les cycles, les
méthodes d’hier ont inspiré les méthodes d’aujourd’hui.
Réécrire
Depuis le IIIè siècle il existe
une forme brutale de censure. En effet, à chaque changement de dynastie, le
gouvernement efface le passé et réécrit l'histoire pour commencer un nouveau
départ, un nouveau développement de son pays. Voici quelques exemples des
campagnes de destruction des anciens livres.
En 213 avant J.C., le premier
empereur de la Chine, Qin Shi Huangdi unifie de force l'empire chinois et c'est
le début de la construction de la muraille de Chine. Pour empêcher les lettrés
confucianistes de critiquer la politique impériale, il ordonne que tous les
écrits en dehors des manuels pratiques sur l'agriculture, la médecine, la
divination... soient détruits : cet événement est connu sous le nom de
''l'incendie des livres''. Ceux qui ont protesté envers cette destruction ont
été enterrés vivants, leur nombre, même s'il varie en fonction des sources,
s'élèverait à plus de 400 et les autres ont été envoyés à la Muraille pour y
travailler. Cette persécution est appelée ''Le supplice des lettrés'' et elle
est restée jusqu'à aujourd'hui le symbole de la tyrannie du premier empereur et
du courage des lettrés confucéens. Plus profondément cet épisode symbolise l’importante
de l’écrit en Chine et des changements de dynastie. Pour le 1 er empereur son
gouvernement est à la fois un nouveau début et une transformation radicale :
ce qui a été avant n’est que confusion et ignorance.
Autre exemple, au XVème siècle,
l'empereur Zhu Di, de la dynastie Ming, a nommé Zheng He : amiral de la flotte
impériale. Il est le premier grand explorateur moderne et a réalisé à la
demande de cet empereur sept grands voyages au cours desquels il a découvert
l'Australie, la côte orientale de l'Afrique, dont l'Arabie et il a visité
l'Indonésie et Singapour. À son retour en Chine, l'empereur Zhu Di qui l'avait
nommé pour réaliser cette expédition était mort depuis quelques temps et son
successeur étant contre détruisit toutes les archives et les nouvelles cartes
réalisées, ou une grande partie, sur ses découvertes du monde. La priorité c’est
désormais la Chine continentale et la lutte contre les nomades : il faut
bannir tout souvenir de ces voyages chimériques.
2000 ans plus tard en pleine
Révolution Culturelle (1966) Mao lança
la campagne contre les 4 vieilleries : les vieilles, idées, les vieilles
coutumes, les vieilles cultures et les vieilles habitudes. Résultats des milliers
d’œuvres d’art, d’œuvres littéraires furent détruites. Confucius fut banni et
la Cité interdite fut même menacée tandis que les gardes rouges brandissaient
leur nouveau modernisme : le petit Livre Rouge.
L’art Polémique
Au XVIIème siècle, la Chine
change à nouveau de dynastie après une guerre contre les Mandchous (guerriers
du nord), c'est le début de la dynastie des Qing, au cours de laquelle les
lettrés furent des cibles.
Par exemple en 1663, plusieurs lettrés ont été
exécutés pour avoir tenu des propos outrageants sur la nouvelle dynastie dans
des ouvrages écrits pendant la dynastie précédente. De 1711 à 1713, eu lieu un
procès littéraire, au cours de l'affaire du Nanshan ji. Au cours de cette affaire, les écrits mis en
cause avaient pour la plupart pour sujet la chute des Ming (dynastie
précédente) et l'avènement des Qing. Leur contenu ternissait le prestige et la
légitimité du pouvoir de la nouvelle dynastie. Pendant le procès, un certain
nombre d'académiciens comme Wang Hao ou Zhu Shu ainsi que les lettrés Fang Bao
et Wang Huan furent accusés pour leur travail de préfacier, notamment dans le
livre : le Nanshan ji ou Recueil de la
Montagne du Sud de Dai Mingshi, inspiré d'un auteur décédé : Fang Xiaobiao.
Ce livre regroupait une centaine de préfaces, lettres, biographies, etc. Sur
ordre de l'empereur Kangxi, le procès s'est conclu par l'éxécution de Dai
Mingshi et la dispersion des restes de Fang Xiaobiao, accusés de crime capital
de haute trahison. Les préfaciers qui n'étaient pas morts en prison avant la
fin du procès furent également exécutés.
Comparaison surprenante, la tragique
révolution culturelle de 1966 est aussi partie d’une polémique littéraire une
pièce de théâtre. En 1961 est jouée La
Destitution de Hai Rui, de Wu Han, historien et vice-maire de Pékin. À l'instigation de Jiang Qing l’épouse de Mao,
une critique écrite par Yao Wenyuan en paraît en novembre 1965 dans un journal
de Shanghai, le Wenhuibao, reprochant à la pièce de se livrer à une attaque
déguisée contre Mao. Très vite les
critiques dépassent le cadre du théâtre et visent toute l’intelligentsia jugée
progressiste, droitière et complotiste. La chasse aux élites est ouverte.
Superstition
Il existe une constante en Chine.
L’importance accordée aux catastrophes naturelles. Dans la Chine impériale
elles étaient la manifestation de l’avis des dieux par rapport au souverain
qui de ce fait vivait entouré de devins
et d’astrologues. Pendant le règne du 1er
empereur, l’historien Sima Qian rapporte cette anecdote :
« La trente-sixième année (211 av. J.-C.),
il y eut une étoile filante qui tomba dans la commanderie de Tong ; arrivée à
terre, c’était une pierre. Quelqu’un du peuple grava sur cette pierre ces mots
: « À la mort de Shi Huangdi, le territoire se divisera. » Shi Huang l’apprit
et envoya les enquêteurs royaux instruire l’affaire ; personne n’avoua ; il
arrêta toutes les personnes qui demeuraient dans le voisinage de la pierre et
les fit périr ; puis il détruisit la pierre par le feu. Shi Huang était attristé
; il chargea les lettrés au vaste savoir de composer des chants sur les hommes
immortels et véritables et sur les voyages qu’il avait faits dans l’empire ; il
remit ces chants aux musiciens en leur ordonnant de les chanter et de les
jouer. »
2000 ans en arrière la même
inquiétude accompagne toujours les gouvernants chinois :
- Août 1975 : un typhon s’abat sur la Chine.
62 barrages cèdent dans la province du Henan. 170 000 morts. Le pouvoir
tint la catastrophe secrète.
- 1976 : Séisme à Tangshan fait 250 000 morts.
Pour la population ce drame annonce la fin de la dynastie et la critique de la
révolution culturelle. La même année Mao meurt et s’opère l’ouverture de la
Chine.
- 2008 séismes au Sichuan. Pour la 1ère
fois forte médiatisation des médias autour.. de l’action du 1er
ministre Wen Jiabao pendant les opérations de sauvetage pour faire oublier les
milliers d’écoles effondrées pour cause de malfaçon.
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