A redécouvrir

Manga à offrir épisode IV, Ikigami



L'ikigami c'est le préavis de mort. Dans un Japon quasi dictatorial, le pouvoir a édicté la loi pour la prospérité de la nation . Chaque enfant qui entre en école primaire reçoit un vaccin et dans un cas sur mille le vaccin comporte une substance programmée pour déclencher la mort du porteur à une date et heure fixées entre ses 18 et 24 ans. Cette roulettes russe est sensée rappeler à tous la valeur de la vie et inciter les jeunes à s'investir, agir. Ce préavis est délivré un jour avant la mort par deux fonctionnaires du ministère. Le futur mort a pendant ces 24 dernières droit à la gratuité pour toutes ses activités, ses parents seront honorés et recevront une gratification de l'Etat mais s'il commet des délits, crimes pendant ces 24 heures la sanction s'abattra sur sa famille. 
C'est ainsi que s'offre la série de Motoro Mase qui nous fait suivre en 10 volumes la vie de Kengo Fujimoto fonctionnaire chargé de livrer le préavis. Le récit se construit autour de plusieurs fils directeurs. D'abord la vie des futurs condamnés et de leur réaction face à la mort programmée. Chaque tome se centre autour de 3 condamnés, de leur dernières heures : colère, vengeance, incompréhension, retour aux sources. La variété des situations donne beaucoup de force à cette mort aveugle dont on voit très vite l'aspect absurde : du nolife à l'hyper investi, nul n'échappe à la sanction. Et transpire très vite l'attitude passive d'une population qui se soumet à la plus "absurde" en apparence des lois sociales. Chaque volume offre une déclinaison différente de notre peur de la mort et on est admiratif devant le travail de l'auteur d'échapper à chaque fois à la répétition. L'autre axe de directeur c'est le personnage de Kengo. Fonctionnaire zélé, témoin de la tristesse, réceptacle de la colère (on ne peut s'empêcher de leur comparer aux soldats américains informant les familles de la mort de leur fils/père/fille/ mère du film The Messenger ), il est soumis à un grand écart éthique permanent. Son devoir lui impose de ne pas s'impliquer, de ne pas s'interroger mais dès le volume 3 son éthique entre en conflit avec ses ordres et il franchit la ligne rouge. Dès lors l'histoire se double d'une lutte en arrière plan sur la collaboration/résistance. Kengo se sait surveiller -chaque fonctionnaire surpris à contester risque de subir la vaccination- et il recherche les traces d'une éventuelle résistance de l'ombre. Le récit prend des tournures de 1984, plusieurs personnage interagissent, offrent des pistes dont il difficile pour le lecteur de voir où elles mènent. Le récit avançant la mécanique de la dictature se fait plus clair : formation des fonctionnaires, reconditionnement des réfractaires, collaboration des médecins. Les buts cachés de la loi aussi.

Ce récit résonne enfin de thèmes terriblement contemporains et ce qui constitue le dernier fil directeur de sa lecture. Les névroses du Japon : suicide, ordre, doute  constituent une toile de fond évidente. Les débats actuels sut l'engagement militaire, la place du Japon font aussi une irruption aussi surprenante que magistrale dans le dernier et vertigineux dernier volume. Une énorme surprise attend le lecteur, un vrai coup de poing qui vous laisse le souffle court.
Récit intelligent, bien dessiné, bien rythmé et cerise sur la gâteau possédant une adaptation live (des 3 premiers volumes) de grande qualité. Une excellente uchronie pour découvrir l'univers du manga pour adulte.


Ikigami, 10 volumes (série achevée) chez Kaze Manga

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