L'architecture des maisons familiales japonaises ne cessent de fasciner le voyageur. Du Japon du XIXè siècle, au Japon moderne, les petites demeures familiales ont toujours saisi l'oeil étranger. Retour en 10 points sur les causes profondes de cet intérêt qui ne se dément pas.
1. Japonéité. L'architecture est le mélange du rêve et de la fonction. Cette convergence se lit à travers les étonnantes maisons japonaises traditionnelles. Mur en papier, structure en bois, panneaux faisant office de porte, les demeures se sont adaptées aux contraintes sismiques du pays. Cela crée à l'intérieur une légèreté des formes, une atmosphère apaisante si spécifique de ces maisons japonaises traditionnelles. Malgré les évolutions de la société, le Japon n'a jamais abandonné cet héritage et l'on retrouve toujours dans les constructions ces vestiges d'un passé toujours présent : simplicité des formes, harmonie des couleurs, religion du bois.
2. Rituel. La maison change, son esprit non. Les rites ancestraux de l'accueil et de la transition entre les espaces ont été maintenus. zone à l'entrée pour se déchausser, tatamis, tokonoma (alcôve décorative), doma (vestibule multifonction). Par certains côtés la maison japonaise rappelle dans l'imaginaire occidentale la villa romaine : pièce centrale, autour duquel on tourne, conception de pièces modulaires.
3. Futurisme. Les Japonais sont fous de nouveauté : biens de consommation, télécommunication. Les maisons n'échappent pas à cette situation. Il apparaît qu'une maison japonaise au bout de 15 ans perd toute valeur et que les maisons neuves sont en moyenne reconstruites au bout de 30 ans. Etonnant que ce Japon où la population croît lentement mais au secteur de la construction de nouvelles maisons stables. Mieux si en Europe les nouvelles maisons représentent au mieux 34 % des ventes, la proportion monte à 87 % au Japon. Alors portées par ce fétichisme de la nouveauté, les maisons japonaises comme nulle part ailleurs au monde portent les stigmates des nouvelles tendances de style. Maison bulle, maison cabane, maison sans mur, maison de verre, l'archipel est un musée vivant de l'architecture en mouvement.
4. Ancien/moderne. C'est une spécificité japonaise : la valeur du lieu ne tient pas uniquement à son ancienneté mais à sa charge émotionnel. Ainsi le pavillon d'or de Kyoto détruit en 1950 a été reconstruit à l'identique et reste vénéré comme si le pavillon avait traversé les âges. De même le Grand sanctuaire est rebâti tous les 20 ans à l'identique. Ainsi détruire la vieille maison familiale pour en rebâtir une nouvelle n'est pas un brise coeur. Bien au contraire.
5. Destruction. Jamais un pays n'a dû régulièrement renaître de ces cendres. Entre les risques naturels, les incendies et les bombardements américains de la seconde guerre mondiale, les villes japonaises n'ont cessé d'être rebâties. Cela a stimulé l'esprit, l'originalité du secteur du bâtiment. Libérés de contraintes patrimoniales, de plan d'urbanisme, les constructeurs se sont lancés dans des programmes de construction désordonnés. On voit aussi à Tokyo des immeubles jouxtés des sanctuaires classés à l'Unesco. De ce chaos visuel est née la particularité des maisons japonaises où tous les styles se côtoient.
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Maison Y |
6. Contrainte. Le manque d'espace, le foncier hors de prix conduisent les familles japonaises à acheter la moindre parcelle de terrain libre. Là où en Occident nul ne songerait à bâtir un logement, les architectes se saisissent du projet. Ainsi par exemple les maisons construites sur des parcelles en forme de L : espace maigrichon entre 2 propriétés. La maison d'acier de Bunkyo à Tokyo révèle la créativité des architectures du cabinet Kenga Kuma associates : une maison surélevée en forme de wagon. Autre cas la maison Y à Aichi. Dans une banlieue un peu triste, sur un terrain étroit en bord de colline entouré de deux maison à étage, est née cette maison cuirasse qui se prolonge dans le vide grâce à une avancée en béton créant une intimité incroyable. Dernier cas : la Rooftecture S à Kobé. Une parcelle mince, triangulaire avec en arrière un mut anti chute et de l'autre un à-pic pour décor improbable. Le résultats une maison sur pilier qui s'effile vers son extrémité et qui offre en son coeur des espace de vies spacieux.
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Maison d'Acier |
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Rooftecture |
7. Architecte. S'il faut trouver une différence majeure entre le Japon et l'Occident ce serait dans le rapport aux architectures. En Occident seuls les ménages les plus fortunés font appel à cette profession, pas au Japon. Les nouveaux acheteurs font fréquemment appel à ces cabinets côtés. Pourquoi ? parce qu'ils savent que cette maison aura peu de chance d'être revendue donc ils peuvent laisser court à leur envie (ce qui prime pour la revente c'est le terrain) ; parce que la quasi absence de loi sur l'urbanisme empêche les riverains de s'opposer à tout projet de constructions. Pour les architectes c'est un contexte favorable pour libérer leur créativité : peu d'obstacles législatifs, implications des acheteurs. Cela stimule ces cabinets et explique les très fréquents prix attribués aux architectes japonais.
8. Confiance. Le rapport entre ancien et moderne est aussi inversé entre le Japon et l'Occident. En Occident une maison ancienne est perçue comme gage de sécurité, de qualité "elle a résisté au temps" alors que les maisons récentes sont à raison considérées comme faites à la va-vite. Au Japon les constructions modernes ont gagné en qualité. Les charpentes individualisées sont préfabriqués grâce à l'aide de robots ; dans le cas de la Rooftecture à Kobé ce sont des ouvriers spécialisés qui ont oeuvré. Et on touche là à l'un des paradoxes de ces maisons. Avec une telle qualité pourquoi vouloir sans cesse les refaire ? le goût du futurisme simplement et la dépréciation des murs.
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Big Window House, Yokohama |
9. Audace Portés par un tel contexte économique et culturel, les créateurs repoussent sans cesse les limites de nos espaces intimes. Ce qui frappe ainsi ce sont les rapports entre l'intime et le public. La Ring House à Nagano se présente comme une maison en cube aux parois de verre en plein forêt. Plus célèbre encore la Naturel Strips II à Tokyo ou la maison N d'Oita : maison sans mur en pleine ville.
10. Harmonie. Toujours à la recherche d'équilibre, de tempérance, les constructeurs bâtissent des intérieurs refuges. L'espace s'adapte à l'usage d'où ce recours à la démolition/reconstruction. Difficile de se glisser dans les murs d'un autre. Harmonie aussi et c'est presque paradoxal avec la nature. Par les matériaux, les micro-jardins, les maisons recherchent ce contact originel.
Fascinant, des maisons bien pensées, esthétiques et fonctionnelles. Il faut s'en inspirer.
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