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Chine-Japon au de-là des mots que pensent-ils vraiment?

Les relations Chine-Japon font les montagnes russes depuis une dizaine d'année. Petit récapitulatif de 2000 ans de relations riches et tragiques.

Jusqu'au XVIè siècle, la Chine sert de modèle au Japon, philosophiquement, religieusement et artistement. Le plus fort moment de cet emprunt se situe sous la dynastie Tang (7è-10è siècle de notre ère) : administration, urbanisme. Le petit Japon s'instruit auprès de l'empire majestueux. 
Un premier retournement a lieu au XVIè siècle lors de l'invasion coréenne par le Japon. Les armées des deux empire s'entrechoquent et si sur terre l'avantage reste aux japonais, sur mer Coréens et Chinois l'emportent forçant les Japonais à se replier.
Le grand tournant a lieu au XIXè siècle. Forcé de s'ouvrir aux Européens, le Japon prend le tournant industriel et devient la première puissance moderne d'Asie. Fort de sa toute puissance il copie ses maîtres européens et se lance à la conquête de colonies : Taïwan, la Corée tombe dans son escarcelle, la Chine est humiliée lors d'une guerre très brève. La conquête de la Chine deviendra l'affaire du début du XXè siècle : une occupation coloniale, une conquête partielle en 1931 et une guerre générale en 1937 conduisant à de exactions sans nom.
L'après seconde guerre mondiale s'ouvre par une drôle de période. Le pouvoir communiste minimise, tait les crimes japonais : Nankin ville martyre se situait en zone nationaliste donc hors de la zone communiste donc hors de la mémoire officielle. La guerre froide aidant, la guerre sino-japonaise passe au second plan. Les choses bougent au milieu des années 1970 : des journalistes japonais révèlent les massacres de Nankin. La mémoire est en marche mais elle ne va s'accélérer qu'avec la mort de Mao et le réveil économique de la Chine. Pendant la décennie 80, l'aide japonaise est nécessaire et les deux pays entament de timides rencontres, excuses marquées par celle de l'ex empereur Hiro Hito. Les choses se dégradent milieu des années 1990 : la croissance vertigineuse de la Chine contrastant avec le déclin japonais. Dans une Chine où les écarts se creusent, instrumentaliser la mémoire devient le nouveau ciment du régime. Et côté japonais, une série de maladresses provoqués par la frange des ultra nationalistes ne fait que attiser les rancoeurs : querelle sur les manuels scolaires, visite du premier ministre Koizumi à Yasukuni, sentiment après la guerre du golfe de 1991 (où l'émir du koweït a remercié tous ses alliés sauf le Japon qui certes n'a pas envoyé d'armées mais à verser 1 milliard de dollars à la coalition) que le Japon doit modifier sa constitution sur l'engagement Outre Mer pour retrouver sa place. C'est autour de la mémoire que se focalise la tension alors même que des deux côtés historiens, politiciens, hommes d'affaire multiplient les initiatives de concertation. Drôle de tableaux qui voient les manifestants instrumentalisés brûlés des drapeaux japonais et les enfants de ces manifestants danser sur de la J Pop et se gaver de mangas/dramas. De voir des nostalgiques de l'empirer parader en uniforme quand les jeunes refusent tout engagement militaire.
Dernière crise en date : les îles Senkakku. L'enjeu :  des gisements off shore d'hydrocarbures ; îles anciennement chinoises jusqu'au XVè, abandonnées volontairement au Japon et désormais noeud de tension. Avec en arrière plan la Corée du Nord et les Etats Unis bien heureux de signifier au monde entier la menace d'un impérialisme chinois. Et la Corée du Sud d'embrayer le pas en saisissant du dossier des femmes de réconfort, exploitées, maltraitées, humiliées par l'armée japonais, que les propos provocateurs de l'actuel maire nationaliste d'Osaka a fini de rendre explosif.
Sur le fond les plaintes chinois, coréennes sont justifiées. Le Japon de part les bombardements atomiques et la guerre froide n'a pas réalisé une vraie critique de la mémoire. Le maintien d'un courant nationaliste dont on exagère l'importance du soutien populaire révèle le travail incomplet des Américains qui ont choisi de ne pas accuser l'empereur de peur de saper leur travail de reconstruction. L'attitude d'Hiro Hito prouve que leur stratégie a été la bonne mais a complexifié le travail de mise en accusation du régime.
Cependant l'enjeu est ailleurs. La Chine ne souhaite pas un vrai audit de la mémoire car cela lèverait le voile sur l'ampleur de la collaboration chinoise avec l'envahisseur, le peu d'entrain de Mao a lutté contre les Japonais ou le soutien des prisonniers de guerre japonais à l'armée rouge lors de la reprise de la guerre civile en 1946. Il convient aussi de ne pas oublier tous les travaux corrigeant les délires nationaliste. Par exemple le film Nankin, City of life and death, film chinois avec des acteurs japonais. Ou le travail de Su Jing, rédacteur de magazine Zhiri Connaître le Japon qui s'efforce d'établir un pont entre les peuples.

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