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Baekgang : quand le Japon rêvait déjà de Corée

L'histoire conflictuel entre le Japon et la Corée a retenu trois invasions importantes :
  • 1592 le nouveau maître du Japon Hideyoshi envisage d'envahir la Chine fort de sa nouvelle armée et de sa maîtrise des armes à feu. Il demande au roi de Corée Seonjo de le laisser traverser ses terres. Devant son refus il débarque de force avec 200 000 hommes et s'empare de Séoul. Mais la flotte coréenne équipée de navire tortues (sorte de cuirassé de l'époque) et l'intervention des troupes Ming bloquent les Japonais qui par arrogance refusent l'offre chinoise de se partager la Corée. Un trève de quatre ans est signée
  • 1597 : s'estimant lésé par le traité de paix, Hideyoshi réclame en compensations quatre provinces coréennes et une alliance dynastique avec l'empereur Ming Wanli. Devant le refus il lance son armée sur la Corée : sur terre Séoul est prise et malgré l'aide chinoise les coréens ne peuvent chasser les Japonais du Sud. Sur mer les combats tournent à l'avantage des japonais avant que le rappel de l'amiral Yu Sin Sin ne fasse pencher la balance du côté sino-coréen. La guerre ne s'achève que par la mort d'Hideyoshi et le début de la guerre civile pour sa succession
  • 1894-1910 : de la guerre sino-japonaise au traité d'annexion de 1910, une lente prise de contrôle marquée par l'élimination des concurrents étrangers -Chine, Russie- et intérieur -la dernière impératrice de Corée-.



Mais plus loin dans le passé on retrouve trace d'une autre intervention japonaise importante dont l'échec dissuada pendant presque un millénaire les souverains et seigneurs de guerre japonaise de s'aventurer sur le continent (sauf cas des pirates). Retour sur les évènements conduisant à la bataille de Baekgang, Hakusukinoe en Japonais en août 663.  La corée de ces temps n'est pas encore un Etat unifié. Trois royaumes rivaux se la partagent :


  •  au Nord le royaume de Koguryo ou Goguryeo. S'étendant de part et d'autre du fleuve Yalu, il comprend une partie de l'actuel Corée du Nord et des provinces de Mandchourie. Allié aux empereurs chinois jusqu'au 5è  siècles, les relations se tendent aux VI et VIIè siècle avec les dynastie Sui et Tang à cause des visées coréennes sur la province du Liaoxi.
  • au Sud-Est le royaume de Silla, la puissance montante. Allié avec le troisième royaume coréen contre le rival du Nord, il a conquis au VIè siècle la vallée stratégique de la rivière qui lui donne non seulement un accès à la Mer Jaune et au commerce avec le Chine mais le contrôle d'une province riche en population et en activités économiques. Au VIIè les Silla et les Tang de Chine nouent une alliance.
  • au Sud-Ouest le royaume de Baekje. Le plus petit des trois et aussi le plus faible doit jouer entre ces deux rivaux. Allié au royaume de Silla au VIè siècle, il se joint au royaume du Nord pour contrer la menace de son voisin allié aux Chinois.

C'est dans ce contexte que va intervenir le Japon. En 645 les Tang et les Silla attaquent le royaume de Koguryo. En réaction Baekje  attaque celui de Silla dans le but de l'affaiblir durablement et de couper ses liens avec la Chine. Au Nord les combats finissent en match nul ce qui crée une situation délicate pour le royaume de Baekje : les Silla-Tang changent de stratégie et se tournent vers le Sud.  En 660 les forces des Silla et des Tang envahissent le royaume de Baekje. Leurs forces submergent celles du petit royaume à la bataille de Hwangsanbeol qui à 1 contre 10 (5000 contre 50 000) sont anéanties. La capitale Sabi tombe, le roi Uija, un de ses fils Buyeo Yung sont envoyés en exil en Chine : le père y mourra, le fils en reviendra comme gouverneur de la province au nom des Tang. L'autre fils Buyeo Pung accompagné d'aristocrates a fui pour le Japon où il réclame de l'aide.
Sur place malgré la défaite un vaste mouvement de résistance s'organise. Rejointe par les forces du prince exilé elle repousse temporairement les envahisseurs et restaurent la dynastie. Les empereurs de la dynastie Yamato, Saimei et Tenji décident d'intervenir militairement pour aider leur aillé. Il y avait en effet une longue tradition de contact entre ces deux dynasties : liens de sang, liens commerciaux et proximités géographiques. On peut aussi ajouter que malgré le respect envers la dynastie Tang, la cour japonaise ne pouvait que s'inquiéter de voir la puissance chinoise s'avancer si près de ses terres. Il est indéniable que pendant des siècle la Corée joua le rôle d'Etat tampon entre l'archipel et le puissant empire du milieu. Les archives japonaises ont conservé la réponss de l'empereur Saimei aux émissaires de Baekje : 

 "Nous savons que dans les temps anciens, il y a eu des demandes d'envois de troupes et d'assistance : afin de porter secours, et de restaurer ce qui a été interrompu, c'est une manifestation naturelle du droit. Le Royaume Baekje, en ultime recours, est venu à nous et s'est placé entre nos mains. Notre résolution à ce sujet est inébranlable. Nous allons donner des ordres clairs à nos généraux pour avancer dans le même temps par une centaine de routes ".

Ainsi en 661 un premier contingent de 5000 hommes et de 170 navires débarquent en Corée mené par le général Abe no Hirafu. L'année suivante 37 000 soldats viennent renforcer le dispositif. 
L'inévitable confrontation a lieu en août 663. Les troupes nippo-coréennes font mouvement pour dégager la capitale du royaume, Churuy assiégée par les Tang et les Silla. Le plan des japonais est de remonter au maximum le fleuve Geum et de débarquer leur troupe. Mais la manoeuvre est découverte par les Tang qui décident de bloquer leur remontée du fleuve à environ 50 km de l'embouchure en y regroupant 170 navires et 7000 hommes. Alignée, compacet, la flotte chinoise barre le fleuve à la flotte japonaise forte d'après les sources de 800 navires dont l'essentiel est composé en transports de troupes. Du 27 au 28 août, les japonais confiants en  leur supériorité numérique tentent de forcer le verrou. Au bout du 28 août exténuée, ne pouvant pas manoeuvrer dans un fleuve si étroit, leur flotte se désorganise et est balayée par une contre attaque chinoise. 400 navires coulent ou sont brûlées. Les sources ne disent pas grand chose sur les raisons d'un pareil désastre. Il semble néanmoins que le choix du lieu, qui rappelle celui de Salamine ou des falaises rouges, a été particulièrement astucieux car il a annulé l'avantage japonais. On ne peut aussi éliminer l'hypothèse que nombre de vaisseaux japonais n'étaient pas faits pour la guerre. Rappelons également la grande expérience en guerre navale/fluviale des chinois illustrée par la bataille de falaises rouges à la fin de la période Han, la grande discipline de leurs troupes gagnée après des siècles de luttes internes sans oublier une incontestable avance en technologie militaire. Les pertes lourdes du côté japonais (10 000 mors) ont dû aussi être lourdes du côté chinoise car les chroniques nous disent que le général Echi No Takutsu abattit une douzaine d'ennemis avant de périr soulignant que c'était avant tout des troupes terrestres que le Japon envoya manquant cruellement d'expérience navale et recherchant l'exploit personnel au détriment de la cohésion.  


La flotte des Yamato anéantie, leurs alliés Baekje sont rapidement battus. Leur capitale tombe à nouveau. Le royaume est détruit, son roi fuit dans le royaume du Nord qui tombe à son tour face aux armées Silla-Tang. La guerre n'est pas finie puisque les alliés d'hier deviennent alors ennemis : les Silla chassant les Tang pour éviter toute visée impérialiste chinoise. Pour une brève période la Corée est unifiée. 

Pour les Japonais, le désastre engendre une prise de conscience de la menace outre mer : une série de fortification est construite sur la côte et les îles face à la Corée. Culturellement ce désastre fut aussi l'occasion d'un rapprochement avec les survivants du royaume détruit : ainsi le clan Kudara no Konikishi fut fondé par zenko, un des fils du dernier roi de Baekje. Ce clan occupa des hautes fonctions politiques jusqu'à son déclin au Xè siècle. Cette intervention manquée souligne aussi les liens culturels très forts unissant le Sud de la Corée et le Japon. On ne peut comprendre l'ampleur de l'action japonaise sans émettre l'hypothèse de liens allant au-de là  de la seule diplomatie.

Commentaires

  1. Inversement, les Coréens ne sont intervenus que deux fois en territoire japonais, en 1389 et 1419, sur l'île de Tsushima, pour y détruire des bases de pirates.

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  2. J'ajoute des précisions : lors de la première intervention japonaise, les 170 navires, transportant le premier contingent de 5000 soldats, débarquèrent en Corée en janvier 662. Les 27 000 hommes supplémentaires arrivèrent en juin 663.
    La guerre déclenchée par Toyotomi Hideyoshi s'étala du 23 mai 1592 au 24 décembre 1598.

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