A redécouvrir

Rentaneko

Voici le genre de film qui semble improbable. Peut-on construire une histoire pendant sur 1h50 sur une femme et son commerce de location de chats ?  C’est pourtant le pari fou de Naoko Origami de s’emparer d’une des nombreuses particularités du Japon ici la location d’animaux de compagnie et la fascination qu’exerce le chat.


De quoi parle son film. D’une femme, Sayoko qui a un don. Elle attire les chats qui ont investi son salon, son jardin, son panier à linge et même l’autel dédié à sa grand mère décédée il y a trois ans. Il en arrive sans cesse et elle a cette idée : les louer. Elle traîne donc sa carriole  le long d’un canal situé en périphérie d’une grande ville (on suppose Tokyo) en scandant dans son porte-voix son slogan « rentaneko, neko, neko » « location de chat, chat, chat ».  Et au gré de ces journées elle va rencontrer des passants et entrer dans la vie. Et c’est tout.
Rentaneko c’est une petite douceur comme les Japonais savent souvent en faire : pas d’effets spéciaux, une caméra sobre et pourtant une histoire douce et amère, un conte moderne sur la vie et la solitude. Le film derrière son intrigue est d’abord une comédie décalée. Celle d’une femme gentiment allumée qui  tient un respectable commerce de chats de jour et qui affirme à qui veut l’entendre qu’elle mène une seconde vie professionnelle beaucoup plus profitable. Au gré des clients elle s’imagine voyante, trader ou compositrice de musique de publicité. Cette femme prend son métier tellement au sérieux qu’à chaque nouveau client elle fait passer un test d’éligibilité avant de leur faire remplir un contrat, rédigé de sa main, aux termes aléatoires et étranges sans clause juridique mais dans le même temps elle est bien incapable de leur donner le montant de la location. Ce qui la préoccupe c’est le bien être des chats. La réalisatrice derrière la construction rituelle ménage quelque belle surprise : la vieille voisine qui n’arrête pas de clasher Sayoko, la scène finale avec le lycéen (très bien vu et drôle).

Le film baigne aussi dans une atmosphère triste. Passées les premières minutes dans l’improbable maison des chats, le thème central apparaît : la solitude . Chaque rencontre est l’occasion pour cette femme d’aider des gens brisés par la vie : une vieille femme seule dans son grand appartement, un salary men parti depuis si longtemps loin de sa famille qu’il en est devenu étranger, une employé d’un improbable loueur moisi de voiture, un ex camarade de collège devenu cambrioleur. A chacun un chat différent pour combler leur vide, parfois temporairement parfois pour la vie. Ce qui importe c’est que dans cette comédie douce et triste on parle de vie, de souffrance sur un ton léger. Et Sayoko est bien sûr au cœur de la réflexion. Les chats sont aussi là pour combler le vide laisser par la disparition de la grand mère, centrale à la fois dans l’espace du séjour que dans la vie ritualisée (les offrandes).  Mais le tout sans pathos.

Pour tenir sur la longueur, la réalisatrice opte pour un style sobre reposant. Une caméra calme, des plans longs et des cadres simples servis par une lumière omniprésente. Ce rôle de la lumière renforce d’ailleurs la symbolique du film. Celui-ci se passe à la fin du printemps et au début de l’été. Il s’en dégage une torpeur, une lourdeur qui souligne le fardeau de la solitude qui accompagne Sayoko.  C’est un long cheminement, l’acceptation de la souffrance premier pas vers son dépassement. Ce calme, cette langueur, c’est peut être là que réside la faiblesse du film. Malgré quelques moments décalés, il manque ce grain de folie pour magnifier cette douce fable portée il faut le reconnaître par une actrice remarquable Mikako, Ichikawa que j’ai découvert avec plaisir et une galerie de second rôle excellent. Sans oublier la partition des chats merveilleux.

Rentaneko n’aura sans doute pas la chance d’une sortie en Europe, trop japonais, trop décalé. Cette douce fable est pourtant un vrai baume pour qui est prêt pendant 1h 50 à suivre une femme qui prête ses chats  pour aider son prochain à combler les blessures de son cœur.
 

Commentaires

  1. Excellente critique, bravo !
    À voir, si ce n'est déjà fait, de la même réalisatrice, Toilet (2010), tout autant décalé
    acp.

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